Army of the Dead, Zack Snyder se lâche [Critique]

En laissant son sérieux aux super-héros, Zack Snyder transforme Army of the Dead, son retour aux morts-vivants, en blockbuster cathartique. La décompression, après la Snyder Cut.
Une bande de soldats, recrutés pour leurs aptitudes uniques, profite d’une attaque de zombies à Las Vegas pour commettre un braquage spectaculaire. Démarre une mission explosive et impossible à travers les ruines de la ville.
Non seulement ressorti vivant de la tempête Justice League, traînée sur de longues années jusqu’à la fameuse (et satisfaisante) Snyder Cut, Zack Snyder revient à la charge. Déboulonné de Warner Bros et rattaché provisoirement à la plateforme Netflix, le metteur en scène concrétise son retour au genre du revenant, vingt ans après son remake de Zombie, lifting efficace du classique de George A. Romero. Le dénommé Army of the Dead prend des airs de récréation curative pour Snyder, éprouvé par les fabulations d’un studio aux méthodes impénétrables et la douleur d’un drame personnel survenu lors de la production d’un blockbuster pharaonique – peut-être le plus important de sa carrière. Libre de plancher sans contrainte (le luxe offert par Netflix) et d’extérioriser ses frustrations en fauchant du « boiteux » par paquet de dix, le cinéaste plante sa caméra dans un Las Vegas grouillant de revenants prêts à se faire exploser la cervelle, même si plus retorses que prévu. Mais ses ambitions ne s’arrête pas là : l’hybridation avec le film de braquage abouti à un résultat autrement plus original qu’une longue récréation cinématographique. Les deux genres, et leurs règles inextricables, cohabitent sans se dévorer, la trajectoire gore de l’un soutient la dynamique clinquante de l’autre (même si déblayée au bout d’une heure), et Army of the Dead distance assez facilement le produit prémâché que les services de streaming agitent en chaque début de mois.
Après avoir cerné les tourments et problématiques du super-héros pendant une décennie, Zack Snyder lâche le sérieux de Batman v Superman et détend les coutures de son cinéma. Entièrement tourné en numérique, longues focales dégainées à tout bout de champ, Army of the Dead est synonyme de lâcher-prise pour le réalisateur. Le générique musical (toujours présent) valide à lui seul les dispositions comiques du scénario, la fluidité et l’efficacité du réalisateur, tout comme sa dissonance évidente avec son Dawn of the Dead. La troupe de mercenaires dégomme – et se fait dégommer – dans la ville du péché au cours d’une mission joyeusement suicidaire, avec l’impudence et la fatalité qu’un Suicide Squad devrait afficher, revisitant ponctuellement le Aliens de Cameron et New York 1997 de Carpenter. Moins rigides que sur ses films précédents, bien qu’il occupe tous les postes à sa portée (scénariste, producteur et directeur de la photographie), Snyder commet aussi son lot d’erreurs : personnages archétypaux, émotion préfabriquée, thématiques frisées (les zombies et le principe de hiérarchie méritaient clarification) et rythme inégal poinçonnent le spectacle. Le metteur en scène garde la tête baissée, conserve son aplomb et mène sa barque jusqu’à une scène d’adieux révélatrice, discussion que l’on imagine dédiée à sa propre fille, Autumn. Et si l’on ne peut ignorer les égarements du long-métrage, certifiés par une bande originale appréciable autant qu’elle déconnecte du versant dramatique, ceux-ci se dissolvent in fine face à l’intention. Zack Snyder n’en avait pas fini avec ses maux de parent, et ils pourraient bien hanter son cinéma un long moment.