Raya et le Dernier Dragon, un grand bol de modernité [Critique]

Avec Raya et le Dernier Dragon, film d’animation engageant, le studio Disney abat définitivement son modèle de princesse. Une bouffée de modernité et d’action fantastique.
Dans l’espoir de sauver son monde d’une force maléfique, la guerrière solitaire Raya part à la recherche du légendaire dernier dragon. Commence pour elle un long voyage à travers un royaume divisé.
Contributeur notable au folklore de la princesse, archétype mièvre mais enjôleur, Disney s’amuse aujourd’hui à démanteler ses propres institutions. Ses héroïnes, passées de trophées chevaleresques à symbole d’indépendance (La Reine des Neiges en fut la consécration), sont désormais personnifications de valeurs nobles et gaillardes, assimilées au besoin de répondre aux problématiques contemporaines qui rongent Hollywood de l’intérieur – la nécessité d’icônes féministes se fait de plus en plus ressentir. Dans l’alignement des Mulan, Elsa et Raiponce, dont les mésaventures respectives font les aventures les plus alléchantes du catalogue Disney, Raya se mesure à son tour au destin et aux poncifs de l’épopée familiale, entretenus studieusement par le studio aux grandes oreilles. Le scénario de Raya et le Dernier Dragon, passé sous une dizaine de plumes, se charge d’étapes archaïques (la perte perpétuelle du parent, encore) et de personnages secondaires sevrés de développement, suspendu à une morale basée sur la confiance en l’individu, la préservation commune et l’accord des nations – divisées sur le modèle du Dernier maître de l’air. L’enjeu n’était sensiblement pas de reformuler le principe de la péripétie conviviale, mais d’en altérer la portée culturelle et esthétique, égorgeant au passage l’effigie angélique qui trône dans les parcs à thèmes. Raya est une battante accomplie, une femme vaillante, expérimentée et farouche. Elle a quitté les rives de l’apprentissage avant même le prologue, use de ses énergies pour déjouer, gravir, anticiper. C’est une protagoniste magnétique, soumise non plus à son environnement ou à l’étiquette du sexe, mais à des objectifs impérieux et homériques. En cela réside la vénusté du film de Don Hall et Carlos López Estrada : couronner l’âme plutôt que le corps. Se greffe à cet accès de modernité une mythologie ancestrale et luisante, sillonnée d’animaux iridescents directement tirés des fables orientales, dont l’un galvanise plaisamment l’opus tout en surlignant sa pesanteur.
Les réalisateurs de Vaiana et Blindspotting tanguent d’une couleur à l’autre, sans doute éblouis par les filons de l’animation, la mixture des genres traditionnelle chez Disney, les amenant à empiler les scènes de manière stimulante, quitte à contredire le ton solennelle de son entame. Le duo nous épargne les interminables sessions de chant, prône un comique de situation immodéré (l’excès est souvent gênant), exprime un certain penchant pour le gigantesque babylonien et la noblesse des lieux, induit par le vaste des steppes, édifices pharamineux, plages rocailleuses et sentiers boisés volés à l’Asie sauvage. L’ensemble de ses composantes techniques renvoie à un sens du grandiose que même ses aînés les plus cultes n’avaient su relater avec tant d’impact, d’éclats scéniques. Raya et le Dernier Dragon compte, pour ainsi dire, certaines des plus frappantes scènes d’action vues chez Mickey. Sortie sur Disney+ oblige, le film doit se contenter du canal streaming et des écrans du salon, ruse d’un studio recroquevillé face à la pandémie, brandissant sa plateforme en guise de solution miracle. Constater ces efforts de chez soi est d’une tristesse absolue, mais le choix de diffusion ne devrait empêcher cette adorable protagoniste – doublée par Kelly Marie Tran en version originale – d’enchanter petits et grands.