La Reine des Neiges 2, aventure givrée et moderne [Critique]

Les studios Disney élargissent les horizons de La Reine des Neiges avec un deuxième opus encore plus coloré et inspiré, et aux chansons tout aussi entêtantes.
Alors qu’elle célèbre l’arrivée de l’automne, la Reine Elsa commence à entendre une étrange voix venant du Nord et l’appelant. Avec l’aide de sa sœur et de ses amis, elle s’engage dans une nouvelle aventure.
Le temps où Disney produisait à la chaîne les suites de ses œuvres adorées n’est pas si lointain. Le Roi Lion 2, Tarzan 2 ou encore Bambi 2 – tous cantonnés à une simple sortie DVD – étaient la manifestation d’intentions mercantiles visant à capitaliser sur la renommée des classiques du studio. La Reine des Neiges 2 pourrait aisément cocher les mêmes cases et s’inscrire dans ce stratagème puant au vu du succès planétaire réservé au premier volet (plus d’un milliard de recettes au box-office). Fort heureusement, Disney a fait quelques progrès en la matière et arrange des prolongations plutôt satisfaisantes. De retour à la réalisation, Jennifer Lee propose de repousser les frontières du monde glacé d’Anna et Elsa, développant un folklore coloré et festif, le tout au service d’une épopée imparfaite mais savoureuse.
Comme bon nombre de deuxième opus, Le Reine des Neiges 2 mise sur la quête des origines. Là où le premier film était une suite de péripéties qui faisaient avancer les protagonistes sans poser de questions, sa suite interroge. Qui est réellement Elsa ? D’où viennent ses pouvoirs ? D’autres créatures peuplent-elles ce monde ? Tant de pistes dont Jennifer Lee ne s’était pas encombrée jusqu’alors, et qu’elle exploite aujourd’hui. Parmi elles, les tourments de la reine Elsa. La jeune femme se questionne encore sur sa place et ses pouvoirs, sa singularité n’étant plus un problème pour autrui mais pour elle-même. Cette voix qui se manifeste, mystérieuse et envoûtante, et qu’elle est la seule à entendre, résonne comme sa propre envie d’en savoir davantage. Une raison suffisante pour se mettre en route. Le tout étant accompagné, comme à l’accoutumée, d’une ribambelle de chansons entêtantes et plus mesurée que le précédent répertoire.
Le long-métrage est bien plus qu’une quête identitaire où nous est balancée une salve d’informations. La réalisatrice, également scénariste, étire ses décors et varie les atmosphères. Géants, cheval magique et lézard brûlant s’ajoutent à une galerie de personnages attachants, l’ensemble couvert de mythes et histoires d’antan cruciales pour l’avenir du royaume. Les songes d’Elsa et les espaces inédits, soit les deux arcs scénaristiques majeurs, se complètent, au point d’être indissociables. Les réponses sont amenées par la découverte, l’exploration (voire l’émerveillement), faisant de cet opus un film d’aventure à part entière. Cependant, ces nouvelles données interviennent de façon saugrenue. Compte tenu de l’importance capitales des éléments apportés, il paraît presque incohérent que nul ne les ai évoqué par le passé. La gestion du mystère se révèle, par ailleurs, assez laborieuse, tant les diverses révélations se déchiffrent à l’avance. Un travers rattrapé par la malice du script quant il évoque les événements du premier épisode, non sans recul et humour (une scène chantée y est entièrement dédiée).

La Reine des Neiges 2 pourrait se concevoir comme l’héritier de Pocahontas, autre classique Disney sorti en 1995. Si son propos sur l’écologie est moins appuyé et central que dans la légende amérindienne, il n’en est pas moins subtil et malin. Il est ici question de magie, d’esprits élémentaires, mais surtout d’une opposition tragique entre le pouvoir et la nature. Au fil du long-métrage, Jennifer Lee dépeint l’avidité de l’homme, sa crainte de ce qu’il ne peut contrôler, ce qui place Elsa comme une anomalie bénéfique : la preuve que l’humain et son environnement peuvent atteindre une forme de symbiose. Les différents obstacles qui se dressent sur le chemin des protagonistes ne sont pas des ennemis à évincer. Ce ne sont pas de vulgaires adversaires, creux et uniquement conçus dans le but d’être une antinomie. Ce qui fait face à Elsa et la troupe qui l’accompagne, c’est la fougue du vent, les vagues indomptables de la mer, la chaleur des flammes. Les ingrédients d’une biodiversité qui doit être protégée, un objectif que vont comprendre les héroïnes. Au-delà de l’émancipation des femmes, thème inhérent au premier volet, Disney propage un message accordé à l’actualité climatique.
Dire que l’animation est spectaculaire serait un euphémisme. Il en devient banal de féliciter Disney et ses équipes créatives lorsque l’on constate le degré de réalisme des textures, des mouvements et des lumières. Toy Story 4, des studios Pixar (appartenant à Disney, rappelons-le), avait démontré le talent prodigieux des animateurs de la firme, plus tôt dans l’année. La Reine des Neiges 2 met en scène des séquences vertigineuses, diversifiées (les protagonistes explorant les éléments, le ton s’y prête) et saisissantes. Le film parvient, sur plusieurs minutes, à créer un sentiment de peur, de tension, à l’approche de forces incommensurables. La mise en scène aurait mérité un brin d’audace supplémentaire, pour accompagner avec plus de férocité le fracas des vagues ou le choc de la pierre.
En vue de cette belle année pour le cinéma d’animation, de Dragons 3 au récent Klaus (une sublime production Netflix), Anna et Elsa se confrontent à une sérieuse concurrence pour le titre du meilleur film de sa catégorie. Néanmoins, La Reine des Neiges 2 a tout d’un classique Disney honorable, inspirant et potentiellement à l’épreuve du temps. Son discours sur l’écologie et ses héroïnes fortes en font un modèle à suivre, certes consensuel, mais important pour son époque. Un troisième volet, en guise de grande conclusion, ne serait pas de refus.