Zack Snyder’s Justice League, sauvetage miraculeux et plein d’espoir [Critique]

La persévérance de Zack Snyder a payé. Le réalisateur propose aujourd’hui sa version de Justice League, qu’il avait tristement dû abandonner. Un blockbuster épique, imparfait mais transpirant de passion et d’espoir.
Déterminé à faire en sorte que le sacrifice de Superman ne soit vain, Bruce Wayne, aidé de Diana Prince, sollicite l’aide d’autres métahumains afin d’affronter une menace imminente. Ensemble, Batman, Wonder Woman et le reste de l’équipe comprennent qu’il est peut-être trop tard pour sauver la planète.
Miracle à Hollywood ! L’on ne comptait plus les mois de batailles et de militantisme, les déclarations engageantes et les faux espoirs qui ont précédé l’heureuse annonce : Zack Snyder était libre de diffuser sa version de Justice League, la suite attendue de Man of Steel et Batman v Superman. Mieux encore, Warner Bros lui fournissait un budget conséquent pour peaufiner les raccords et trucages, achever en bonne et due forme un blockbuster dans les tiroirs depuis déjà quatre années. Car il est de notoriété publique que le long-métrage boursoufflé qui put profiter des salles obscures n’était pas le sien, bien que son nom figure au générique. Son film est passé entre des mains avides avant d’atterrir dans celles qui en feraient un monstre de Frankenstein filmique, comique et barbouillé d’effets numériques affreux. Un désastre dont Snyder s’est lui-même préservé, préférant s’épargner la douleur de voir ses intentions profanées. Ce que l’on nomme la Snyder Cut fait ainsi office de revanche pour le réalisateur, une opportunité quasi-historique pour l’industrie, qui permettrait de voir fleurir foule d’indices et thèmes distillés au lancement de la saga, il y a huit ans.
Le prologue (faussement) capté au téléphone, la moustache trafiquée de Cavill, les plaisanteries gênantes : tous ces ingrédients du supplice ont été jetés aux ordures et n’empoisonnent plus la quête au MacGuffin qu’est Justice League. Snyder a recouvré ses coupes originelles, les a fignolées avec ardeur et ne compte laisser une miette de côté. Son œuvre se doit d’être à la hauteur de ses ambitions, démesurées et quasi-invraisemblables. Si la troupe achevait initialement son sauvetage de la Terre en deux petites heures, le cinéaste allonge l’expérience – la durée s’en retrouve dédoublée – et alloue répit et silence à ses héros, toujours sculptés telles des divinités antiques. Flash et Cyborg en sont les premiers gagnants, respectivement facteur comique et émotionnel du récit, personnages à part entière et non plus limités à la figuration. Plus que d’être une fresque dantesque aux trajectoires aussi multiples que ses connexions aux comics books, la Snyder Cut prend racine autour de conflits personnels, rapports troubles et quête de rédemption. Une symphonie mélancolique faite de regards tristes et solitudes partagées. Le prolongement thématique de Batman v Superman passe donc par les protagonistes avant de s’étendre à la mise en scène, hyperbolique, disposée à une iconisation suprême. Ralentis, effets de style et partitions orchestrales se coordonnent pour sublimer les éclats super-héroïques, éblouir les symboles, honorer ces sauveurs tourmentés et majestueux.
Est-ce pour autant une réussite de tous les instants ? Malgré sa forme opératique et ses bonus exaltants, le blockbuster traîne une narration démantelée, gorgée de flashbacks et d’embranchements salutaires mais déployés arbitrairement. Conservant les grandes lignes du scénario présenté en 2017, Justice League ne se soustrait à quelques bavures – le vilain Superman reste une pilule difficile à avaler – qu’il noie tant bien que mal dans le flux d’action, dont le comble, castagne finale dans le temple improvisé de Steppenwolf (ici bien plus persuasif), fera se tortiller de douleurs les réfractaires au style radical du metteur en scène. Les effets de synthèse, finalisés in extremis, y abondent avec autant d’entrain que les répliques doucement dérangées de Barry Allen, pitre charmant.
Au demeurant, Zack’s Snyder Justice League est un long-métrage empli d’espoir. Plus que d’en être un pur échantillon – car victoire inespérée d’un cinéaste –, le film ne se refuse aucune perspective, éparpille ses propositions (Injustice ne serait pas de refus) et laisse ses héros scruter l’horizon, enclin aux lendemains. Et si tout ne faisait que commencer ?