Jurassic World : Le Monde d’après, l’extinction, vite ! [Critique]

Colin Trevorrow boucle la saga aux dinosaures en frôlant le hors-sujet. La grosse dose de nostalgie du blockbuster ne sauve rien.
Après la destruction d’Isla Nublar, les dinosaures font désormais partie du quotidien de l’humanité. Les actions de braconnage d’une entreprise malveillante vont mettre Owen, Claire et Maisie sur la route d’Alan Grant et Ellie Sattler.
Dans le dernier Jurassic World, les énormes lézards de John Hammond envahissent le monde comme ils envahirent les salles de cinéma en 1993, sous la houlette de Spielberg. Unique saga de dinosaures à avoir tenu sur la longueur, non sans déboires, cette dernière veille assidûment à ce que les monstres d’antan s’échappent de leurs enclos et nous remettent promptement à notre place. La sève de Jurassic Park était justement dans la cohabitation impossible entre ces bestiaux censés avoir disparu et une humanité imbue d’elle-même (la nôtre), mettant en perspective son orgueil, sa mégalomanie et son besoin irrépressible de violer les lois naturelles. Et quitte à faire les choses en grand pour son bouquet final, et peut-être rendre justice à son titre, Jurassic World : Le Monde d’après lâche ses tyrannosaures sur la planète toute entière, répondant directement au fantasme implanté dans la tête de tout spectateur du premier film. Étrangement, le postulat de suivre cette invasion massive n’est jamais respecté. Il y a bien quelques avions embêtés par des ptérodactyles, des chantiers interrompus par le passage de diplodocus, mais le choc des époques tant attendu est relayé au deuxième, voire troisième plan. Colin Trevorrow, aux manettes après s’être fait éjecter de L’Ascension de Skywalker, favorise les histoires de clonages humains, de crises adolescentes, d’infiltration laborieuse et d’attaques de sauterelles géantes. Quelque part, la saga Jurassic poursuit sa dénonciation des excès scientifiques, plaçant cette fois-ci non pas un milliardaire gâteux ou des raptors mal léchés comme antagonistes, mais une corporation pharmaceutique dirigée par un pseudo-Tim Cook aliéné, laquelle vise à contrôler les ressources mondiales grâce à de vilaines manipulations génétiques. Malgré cet effort de continuité thématique, le propos ne sonne jamais aussi juste que dans le film original, sa réflexion n’est jamais aussi éloquente et aussi bien illustrée que chez Steven Spielberg, la faute à un scénario déséquilibré (par le fan-service) et globalement fainéant, un montage balourd rendant la progression incompréhensible, des personnages résumés à leurs cascades automobiles et une réalisation figée.
Même lorsqu’elle recycle le premier volet à l’aide de détours absurdes, cette cinquième suite peine à assurer le divertissement. Ses scènes les plus efficaces sont extirpées des films qui précèdent (le contesté Jurassic Park 3 de Joe Johnston a également droit à son hommage), et quand Trevorrow débride discrètement sa caméra, c’est pour ré-imaginer Jason Bourne avec des dinosaures aux trousses. La tournure internationale de l’intrigue (les protagonistes bondissent de continent en continent) apporte tout de même un semblant de dépaysement, dont les bons côtés se mesurent lors d’une course-poursuite dans les rues maltaises, où Chris Pratt esquive les morsures de raptors sur une bécane lancée à pleine vitesse. Dans son rôle de père surprotecteur et fonceur, l’acteur des Gardiens de la Galaxie s’en sort étonnamment mieux que ses collègues, y compris les vétérans que sont Sam Neil, Laura Dern et Jeff Godlblum, là pour « boucler la boucle ». Le trio renfile ses anciennes fringues, ressort les répliques cultes, ne semble pas avoir bougé d’un iota depuis trente ans – et c’est tout le problème. Leur présence à l’écran, pas réconfortante pour un sou malgré la beauté de l’équipe, n’est que le plus gros clin d’œil d’une longue liste adressé au public. Le Monde d’après trouve véritablement son intérêt dans l’animation des créatures, ingénieux mélange d’animatronique et de numérique, de vieux et de neuf, qui faisait la force de Jurassic Park et lui garantie l’intemporalité. Un sort que l’on aurait aimé souhaiter à cette conclusion résolue à ne rien conclure – le statu quo est le même que Fallen Kingdom –, ratant ses mises en scène nostalgiques et les retrouvailles qu’elles accompagnent. Espérons qu’il ne s’agisse pas d’un subterfuge pour tirer, encore, sur une corde déjà rompue.