L’Attaque des Titans (Saison 4 – Deuxième Partie), juste la fin du monde [Critique]

La quatrième saison de L’Attaque des Titans déclenche l’apocalypse et piège, une fois encore, son spectateur via un paquet de rebondissements imprévisibles.
Pris au dépourvu par l’assaut surprise de Mahr, Eren Jaeger fait face seul à ses ennemis et son destin, alors que ses amis reconsidèrent ses sordides résolutions.
Des gamins orphelins, des géants mangeurs d’hommes, d’énormes murs pour s’en préserver et une montagne de mystère. À partir de cette base alléchante, L’Attaque des Titans a fignolé ses rebondissements les plus cruels et détourné consécutivement ses attributs de shōnen (un manichéisme apparent, un héros providentiel, une ambiance de survival horrifique) pour causer endoctrinement, massacre de masse et héritage sanguinolent. Voilà qui nous amène à sa quatrième saison, dont la première partie s’est évertuée à casser nos repères en altérant le point de vue. La suivante, que l’on supposait être la dernière, fait sonner les trompettes de l’apocalypse. Pour le studio MAPPA, en charge de l’adaptation depuis la bascule de la troisième saison, c’est l’occasion d’attester sa puissance de frappe via un déchaînement d’action sans précédent, et de pleinement succéder à Wit Studio sur le terrain de l’épique. Ciel rouge, bombardements intempestifs, concours d’uppercuts titanesques et sessions de voltige se superposent frénétiquement pour une bien sombre et éprouvante définition de la fin du monde. Sans prendre la peine de resituer, la série confronte immédiatement le spectateur au chaos et aux choix lourds de conséquences de ses protagonistes. L’Attaque des Titans gagne justement à confiner tout ce beau monde dans un état de détresse suprême, entravé par l’effroi et renvoyé à ses instincts primaires, de sorte à écorcher un peu plus le concept d’héroïsme – qu’Isayama n’a eu de cesse de nuancer. Nul sauveur, surtout pas en ces temps de désespoir, et ceux qui tentent de s’exprimer avec bonté sont sanctionnés par le piège du twist, un art dans lequel l’auteur est passé maître. Pour la deuxième fois, l’histoire se ré-écrit à coups de flashbacks, réinterprète ses plus grands virages, coupe l’herbe sous le pied des personnages mais également du public, tous victimes de l’angle auquel ils sont soumis. Ce n’est pas la première fois que l’œuvre use de la perception comme d’un outil narratif, et elle ne s’est que très rarement montrée aussi vicieuse.
Toute cette mise en scène éruptive et ces décibels parachèvent le corpus thématique déployé récemment. Esclaves d’un cycle de haine millénaire, les camps mahrs et eldiens ne sont bons qu’à projeter leurs visions tronquées et avilir les générations suivantes, héritières dès la naissance d’une inimité que personne n’interroge. Isayama dénonce, avec un pessimisme absolu, l’empoisonnement par la violence (dont le point de non-retour est largement atteint) et infirme avec une certaine ironie ceux qui prétendent se battre pour le bien en déversant autant de sang que leurs opposants. L’Attaque des Titans se paye de facto un paquet de séquences synonymes de chocs traumatiques, quitte à parfois casser son rythme, dans lesquelles nos héros se réduisent à leurs larmes et leur culpabilité. Les pauvres ont beau revoir leur position et discutailler, les actes barbares rattrapent en permanence les monologues moralisateurs, aussi dopants soient-ils. D’un autre côté, la série d’animation tire profit d’un parallèle contextuel avec sa première saison (l’invasion de titans dans l’enceinte des murs) pour attiser une nostalgie vivifiante. Rien n’est aussi efficace pour mesurer le chemin parcouru et retendre la perche à des personnages secondaires longtemps mis sur le carreau, les tribulations d’Eren Jaeger ayant pris le pas sur le scénario – et le public, qui ne partage plus mais subit ses stratagèmes. C’est le retour en grande pompe du bataillon d’exploration, la fine brigade aux membres discordants mais solidaires car liés par le pire. Avant le baisser de rideau, les rangs se resserrent, les objectifs personnels se télescopent puis se ravalent, et ces braves types potassent leur unique mission, la même depuis le chapitre originel, quand tout restait à élucider : sauver l’humanité ou ce qu’il en reste.