Godzilla vs Kong, échec de taille [Critique]

Réunis pour un film événement, Godzilla et King Kong se font la guerre sous la caméra mollassonne du réalisateur de Death Note. Une gigantesque déception.
Cinq ans ont passé depuis que Godzilla est devenu le nouveau roi des monstres, mais contre toute attente, celui-ci semble se retourner contre l’humanité. L’Organisation Monarch décide de faire appel à Kong, unique titan non soumis à Godzilla.
Comme si toute cohabitation de monstres sacrés ne pouvait se poursuivre différemment – Captain America : Civil War et Batman v Superman en attestent –, le lézard et le gorille les plus connus du grand écran enfilent les gants. Mis à jour avec le Godzilla de Gareth Edwards, le mythe du kaijū sert de base au nouveau terrain de jeu hollywoodien à la mode, le MonsterVerse, ring d’envergure planétaire sur lequel s’affrontent dinosaures, hexapodes et primates géants. L’entreprise atteint avec Godzilla vs Kong un palier capital, passé trois blockbusters à l’intérêt discutable : enfin, plus de soixante ans après leur première escarmouche sur pellicule, les deux rois jouent le match retour. Adam Wingard, réalisateur du (très) contesté Death Note live-action, se retrouve aux manettes de ce qui s’annonce être le défouloir de l’année, sûrement plus attendu pour sa capacité à décrocher les mâchoires que pour ses élans intellectuels. Les personnages eux-mêmes en sont conscients. Wingard s’en sert pour larguer un monceau de justifications scientifiques abstruses, reposant essentiellement sur la position des adversaires dans la chaîne alimentaire – les deux sont des créatures alpha. Prétextes lourdauds pour attiser la bagarre, mais le scénario ne se refuse rien pour faire progresser son intrigue, y compris une ribambelle de séquences que Star Trek et X-Men pourraient revendiquer. Tant d’efforts et de courbettes risibles pour que l’heure du combat venue, Godzilla vs Kong rate le coche.
Au commencement, Wingard biaise le duel en tranchant qui, du singe ou son rival, se situe du bon côté. Le premier aspire à la tranquillité, s’exaltant de sa routine sur son île exotique, le second pilonne les porte-avions – déconcertant, quand les films précédents tendaient à démontrer son rôle de bienfaiteur. Partie truquée. Il est ainsi aisé de prédire qui ressort vainqueur, selon les rebondissements, de cette querelle qui ne concerne pas que les rôles-titres. Le blockbuster fait la part belle aux personnages humains, extraits dès le départ de leur position de victimes spectatrices et tout aussi, si ce n’est plus, importants que les deux champions. Aventuriers immatures, chercheurs et hommes d’affaires véreux commentent et interviennent, vagabondent et rétorquent. Il apparaît rapidement que Godzilla vs Kong choisit de considérer la variable humaine uniquement lors de ses gestes braves, et jamais pour remettre en perspective les dégâts que provoquent ces mêlées démesurées, comme avait pu le faire Edwards en adaptant l’échelle. Mais le réel crève-cœur de ce mastodonte filmique est l’absence remarquée de gigantisme, pourtant évident quand il s’agit d’adapter un événement cinématographique de cet acabit. La caméra se refuse à reporter la grandeur et l’impact des animaux, opère des mouvements improbables sans profiter des effets spéciaux plutôt convaincants. À quoi bon capter cette altercation légendaire si ce n’est pour lui insuffler l’ardeur qu’elle mérite ? Millie Bobby Brown, récemment apparue dans Enola Holmes, ne vole toutefois pas la vedette aux bêtes fantastiques, dont le design est sans doute la plus indiscutable réussite.