The Dead Don’t Die, quand zombie rime avec déception [Critique]

Lorsque l’on pense aux comédies zombiesques, des titres viennent instinctivement en tête, à l’instar de Shaun of the Dead ou Bienvenue à Zombieland, qui parvenaient à saisir l’essence du genre et s’affranchir du carcan parodique. Aussi, il était intéressant de voir ce que pouvait donner un film de la sorte dans les mains d’un auteur comme Jim Jarmusch.
The Dead Don’t Die place son intrigue dans la petite ville de Centerville, bourgade paisible dont les habitants sont victimes d’une attaque de morts-vivants. Trois policiers, aidés par une mystérieuse femme, vont tenter de feindre l’apocalypse.
Attendu depuis des mois, et davantage suite à l’annonce d’un casting fédérateur de grands noms, The Dead Don’t Die s’annonçait être un divertissement plaisant et probablement original, car provenant de la plume mère de Dead Man et Only Lovers Left Alive. Malheureusement, la déception se fait rapidement ressentir devant ce spectacle référencé et au rythme boiteux.
La première partie du film laisse présager le pire. Les scènes s’enchaînent, les blagues aussi et les acteurs font preuve d’un détachement déconcertant. Du poste de police au seul café du coin, Jarmusch tente de dresser des portraits atypiques mais qui ne passionnent guère et dont l’on ne saisit que difficilement la place dans ce cirque organisé. Des interactions sont mises en scène entre les protagonistes, de manière à donner l’illusion que tout ce beau monde respire. Malgré ces efforts, impossible de croire en ces individus qui ne développeront aucune personnalité. C’est simple (et triste) : la galerie de personnage n’a aucune consistance, aucune profondeur. Ce sont des coquilles vides et fades, caricatures certainement volontaires, certes, dont le parcours est inintéressant. Vient alors un autre gros problème : la gestion du casting.
Miser sur des talents comme Bill Murray et Tilda Swinton est une initiative respectable. Encore faut-il que cela serve le film et ne donne l’impression d’un agglomérat futile de vedettes, ce que laisse finalement penser The Dead Don’t Die. Si d’un côté, certains acteurs font tout ce qu’ils peuvent (Adam Driver en est le meilleur exemple), d’autres se contentent ouvertement du strict minimum. Qu’il est regrettable de voir Bill Murray à deux doigts de s’endormir debout alors que la situation ne s’y prête absolument pas.

Passé la (très) longue introduction, les zombies passent à l’attaque. L’occasion d’inclure de l’action dans le récit et d’accélérer la cadence. Le film ne bascule pas dans l’horreur, conserve son ton absurde et sa nonchalance. Les répliques qui s’en suivent se savourent sans trop de déplaisir, principalement grâce à l’insertion du méta dans le script. Il n’est donc pas surprenant d’entendre les personnages de Murray et Driver échanger à propos du scénario ou de la musique du film. Ces interventions humoristiques sont aussi hasardeuses qu’agréables, étant les touches d’humour les plus efficaces, contrairement à la tonne de références mises en avant. Un logo sur un t-shirt, un porte-clé, des affiches : le réalisateur s’en donne à cœur joie, sans la moindre subtilité. C’en est presque étouffant.
Derrière le retour des morts se cache des thématiques contemporaines, ce qui n’est pas sans rappeler les histoires de George Romero. The Dead Don’t Die présente une Terre « désaxée », au climat totalement déréglé, cause directe de l’apocalypse. La dimension écologique est exacerbée via le rôle de Bob l’ermite, qui observe le monde se défaire derrière sa paire de jumelle, au plus proche de la nature. Le message de Romero est lui aussi bien présent, appuyé à l’extrême (les zombies, doués de parole, répètent inlassablement un mot qui résume leur vie).
Heureusement pour nos yeux, Jarmusch sait manier sa caméra et composer des plans convaincants. Joueur avec la symétrie des objets et de l’espace, l’auteur de Paterson (également avec Adam Driver) confère à son film une esthétique minimaliste et soignée, qui se laisse apprécier et ce majoritairement durant les scènes nocturnes, à la lumière des néons et sirènes. Les dernières scènes, sorte de parodie d’un final épique et tragique, est une bonne opportunité pour dessiner des images marquantes, qui rendraient presque l’instant émouvant. Frederick Elmes, directeur de la photographie sur Blue Velvet et Hulk, s’en sort convenablement.
The Dead Don’t Die comprend des défauts incontestables. Néanmoins, dire que le long-métrage est désagréable et ennuyant serait mentir. Il faut bien avouer que son visionnage reste une expérience amusante, même si le rythme et les acteurs contrarient l’immersion. De petites fulgurances au long de l’histoire maintiennent le spectateur à bord, notamment l’apparition furtive de Selena Gomez, petite étincelle, qui apporte de la fraîcheur à l’ensemble. Des pépites telles que celle-ci surviennent jovialement, de temps à autre (Tilda Swinton et son atelier maquillage, Adam Driver qui peine à couper une tête, etc).
Le casting quatre étoiles n’y changera rien : la comédie de Jarmusch n’est pas la prouesse escomptée. Présentée en ouverture du Festival de Cannes 2019, il est incertain que cette œuvre, mineure dans la filmographie de son auteur, finisse par trouver son public. Dans tous les cas, il serait étonnant qu’elle s’inscrive comme une référence comique, ou même zombiesque. Manqué.