Ant-Man et la Guêpe : Quantumania, sauvé par le Kang [Critique]

Dans Quantumania, son troisième film (quasiment) en solo, Ant-Man se fait voler la vedette par Kang le conquérant, le nouveau grand méchant de la franchise.
Après l’ouverture du royaume quantique, Ant-Man et la Guêpe, aidés de leur famille, doivent explorer cette mystérieuse dimension et faire face à l’un des plus dangereux individus du multivers.
Au sein de l’énorme machine Marvel, dont on ne compte plus les itérations (et dont le calcul s’est davantage compliqué depuis son arrivée sur Disney+), la branche Ant-Man a toujours collé à la petitesse de son super-héros. Si l’on peut reconnaître que les aventures de l’homme-fourmi sont loin d’être les plus déplaisantes de son univers cinématographique, le fantôme d’Edgar Wright traînant encore par là (il devait mettre en boite le premier volet), ces dernières n’ont pour autant jamais constitué un tournant décisif pour la grande histoire, celle de Thanos, son maudit gant et des Avengers. On parlerait presque de non-événement. Les choses pourraient néanmoins être bien différentes après Quantumania, chapeauté par le fidèle Peyton Reed, dans lequel les personnages interagissent directement avec le futur de la licence. Un futur qui porte le visage de Kang le conquérant, le grand vilain aperçu brièvement sur petit écran et qui prêtera son nom au cinquième Avengers, annoncé pour 2025. En attendant, le super-méchant sème la zizanie dans le royaume quantique, un monde archi-miniature déjà connu de nos personnages, mais pas vraiment du grand public, que ce troisième Ant-Man établit comme décor principal. Sans traîner, juste après avoir brimé Scott Lang et son quotidien peinard de l’après-Endgame, le film le catapulte (lui et sa famille) brusquement dans l’infiniment petit, où les locaux, fringués comme les figurants de Star Wars, osent à peine prononcer le nom de Kang. Et pour cause, les studios Marvel se munissent d’un antagoniste robuste. Son interprète, Jonathan Majors, les épaules aussi larges que Chris Hemsworth, était excellent en grand manitou dans la série Loki. Il adapte ici son jeu à celui d’une version plus brutale (la saga est toujours embringuée dans ses histoires de multivers et de « variants »), plus tragique et opaque. Pas le genre à multiplier les blagues dans son armure colorée, mais plutôt à dominer par la terreur. Un vrai vilain, en fin de compte – un élément qui manque régulièrement à l’appel, côté Marvel. Seul hic : Ant-Man 3 n’est qu’un opus de présentation, censé amorcer la cinquième phase du Marvel Cinematic Universe et donc en garder sous le coude pour les dix blockbusters suivants. C’est là que le scénario de Jeff Loveness (l’un des auteurs de Rick et Morty) atteint ses limites, en comprimant les enjeux, en freinant la menace et en faisant de ce trente-et-unième chapitre une digression de plus.
C’était tout le problème du second Ant-Man : n’être qu’un divertissement de transition entre deux événements plus excitants, peu (ou pas) utile pour la suite et soumis au cahier des charges traditionnel. En s’échappant de San Francisco, Quantumania se démarque au moins en virant vers une science-fiction familière, avec ses designs empruntés à Spy Kids 3D, ses scènes pompées de La Guerre des étoiles, ses bestioles sans formes (fourmis évoluées comprises) et ses fonds verts par milliers. Incrusté dans un tas d’environnements numériques d’une laideur affolante, Ant-Man se fait quant à lui oublier. Paul Rudd n’a pas égaré sa sympathie et arbore son sourire imbécile comme à l’habitude, mais son rôle n’a jamais paru aussi fade, vidé de sa substance (même comique) et si peu présent. Peyton Reed ne se donne même plus la peine de le faire grandir ou rétrécir via la caméra. Les changements d’envergure du super-héros se devinent en plissant les yeux, la faute à une mise en scène mollassonne qui ne traduit ni gigantisme ni minuscule, et ce n’est pas l’intrigue convenue (par moment stupide) qui rachète cette abomination esthétique. Si l’existence d’un cosmos bizarroïde caché dans le néant et son exploration évoquent les textes de Jules Verne, ainsi que tout un imaginaire lié aux récits d’aventure, Ant-Man et la Guêpe : Quantumania sacrifie la dimension épique et merveilleuse du voyage pour une avalanche de clowneries auto-référencées, une course au McGuffin éculée (en plus de soulever son lot d’incohérences), des protagonistes qui ne tirent aucune leçon et un passage de flambeau forcé, dans la continuité des autres productions Marvel où l’ancienne génération cède sa place à la nouvelle. Pas de chance pour l’homme-fourmi : son film (quasiment) solo est toujours moins intéressant que les scènes post-génériques qui le terminent.