Loki, Marvel béni des dieux [Critique]

Le Marvel Cinematic Universe perpétue sa conquête du petit écran avec Loki, série vouée au dieu de la malice. Une odyssée spatio-temporelle génialement construite et indispensable.
Dans une réalité alternative créée par le casse des Avengers, le Loki de 2012 s’échappe avec le Tesseract. Il est rapidement capturé par le TVA, un organisme qui arrête toute personne tentant d’altérer le passé ou le futur. Un de ses agents propose au dieu de la malice de faire équipe pour débusquer un de ses doubles.
Marvel Studios s’est dernièrement rabattu sur ses seconds couteaux, profitant du créneau offert par l’obstruction des salles de cinéma pour étoffer son univers cinématographique – et gaver la plateforme Disney+. Perche tendue à ceux qui restaient sagement dans l’ombre des Avengers, les équipes de Kevin Feige ont permis la réhabilitation de la Sorcière Rouge et des acolytes de Captain America grâce au pouvoir du petit écran, et s’attaquent désormais à la résurrection farfelue de Loki. Le demi-frère de Thor, trimballé de films en films depuis sa défaite cuisante à New-York, est gratifié d’une série retraçant la dérive temporelle qui suit Avengers : Endgame. Nous voilà revenu au vilain du blockbuster de Joss Whedon, le méchant égocentrique qui se rêvait maître de la Terre, débarbouillé des traits affectueux que lui collait Thor : Ragnarok, absorbé par le flux de dimensions parallèles qui intéressent toujours plus le studio. Armé d’une approche joyeusement hystérique permise par son concept de science-fiction – une entreprise corrige les hasards non-profitables à son univers –, le show étreint le ton délirant entraperçu chez WandaVision et le pousse dans ses derniers retranchements. Loki compte bien bouleverser la franchise de manière radicale, et s’y applique avec un entrain jubilatoire et fantaisiste, facilité par la présence aux commandes de Michael Waldron, un ancien de Rick et Morty. Passé un épisode introductif explicitant les devoirs de la Time Variance Autority et l’entrée en scène d’Owen Wilson, moustachu beau parleur, l’épopée croise mythologie, paradoxes, philosophie et science-fiction sans jamais perdre de vue son objectif : autopsier le meilleur personnage du Marvel Cinematic Universe.
Récupérer le Loki de 2012, c’est renouer avec son verbe mesquin et son flegme séducteur, revenir à son sens inné de la trahison et sa convoitise du pouvoir. Une version bigrement passionnante que les six épisodes dissèquent avec précaution, sans éradiquer ses complexités, et font évoluer via l’exploitation de « variants ». Ces doubles provenant de réalités alternatives servent de béquille comique, et cela fait mouche, avant que la série ne les mette au service de sa dramaturgie : rapprocher le dieu de la malice de ses reflets engage un processus d’écriture complexe et ingénieux, conduisant naturellement le personnage à réviser sa position et ses manies de dictateur. La métamorphose s’observe dans les yeux de Tom Hiddleston, grand habitué de la maison qui, sans l’ombre d’un doute, n’a jamais aussi bien maîtrisé le méchant asgardien. Roi du one-man-show que lui cède Marvel Studios, il dépense en répartie, mimiques et gestuelle expressive, n’a rien perdu de la fibre gondolante qui l’accompagnait, même s’il guide son vilain en des eaux plus émotionnelles que tordantes. Le voir gamberger en plein chaos a quelque chose d’exaltant, d’autant plus quand ledit chaos est le fruit d’une direction artistique chiadée à l’extrême. Divinement sculpté, Loki joue des chronologies sous filtre futuriste, octroyant éclairages néoneux et décors exotiques à ses saynètes, garantie d’un dépaysement salvateur au sein d’une licence obsédée par les tours grises new-yorkaises. Une qualité supplémentaire pour ce qui est le plus admirable des produits Marvel depuis un paquet d’années, auto-proclamé indispensable par un épisode final appelant au chambardement.