Rick et Morty (Saison 5), vers une expérimentation totale [Critique]

Pour sa cinquième saison, Rick et Morty explose le record de bouffonneries intergalactiques. Derrière la récréation, une sacrée dose d’intelligence et de pop-culture.
L’insatiable et dépressif Rick Sanchez continue d’embarquer Morty, son petit-fils, dans ses plans fantasques. Le duo croise ennemis jurés, aliens baveux et doubles machiavéliques.
Ils percent les mystères des lieux les plus crasseux, dégoulinants, vrillés et arides, et sont de retour pour une nouvelle saison, toujours promue par la chaîne Adult Swim : Rick et Morty, explorateurs de l’impossible et de l’impensable, s’emparent des salons du monde entier pour la cinquième fois. Le grand-père alcoolique et son petit-fils ahuri, directement inspirés du duo iconique de Retour vers le Futur (débarrassé de son puritanisme), s’étaient payés une quatrième saison régie par la franche rigolade, faisant table rase du sous-texte dramatique qui contribuait à la richesse de son propos, exhalant l’ensemble de ses tournures comiques. Les dix épisodes fraîchement proposés par Dan Harmon et Justin Roiland suivent une direction identique. L’heure est à l’hilarité, à l’exploitation totale et immodérée de concepts excentriques, repoussant les limites de l’imaginaire, du crédible. Les blagues s’empilent, s’imbriquent les unes dans les autres avec une insolence extraordinaire. L’exercice humoristique, mais principalement narratif, prend une telle place que la question du devenir se pose : et si Rick et Morty se réduisait peu à peu à l’expérimentation ?
De la créativité, Harmon et Roiland en ont toujours sous le coude. C’est avec un plaisir presque trop grand que l’on observe les deux hommes plier les routes, engluer les murs, saigner leurs références sans craindre de les nommer. Chaque épisode se voit rempli à ras bord de données scientifiques, de processus de science-fiction qui ont électrisé les uns, fait se triturer les autres, et le duo de scénaristes tient à dériver l’équation à l’infini. La chose prend des proportions phénoménales en s’écartant du modèle de continuité – que Rick et Morty maintient au second plan, puis fait rejaillir dans un ultime acte épique – et en instaurant l’expérimental comme versant principal du show. Il n’est plus si rare que la série désamorce l’intrigue en cours, remonte succinctement sa dramaturgie, servant à l’audience une leçon d’écriture attrayante (et taquine) sur l’art et la manière de raconter. Mortyplicity est assez parlant à ce sujet. Et lorsque la série s’enfouit sous les paradoxes, elle ne fait que certifier l’intelligence de ses auteurs.
Tout l’enjeu de cette cinquième saison est de trouver l’équilibre entre le pastiche cynique, l’examen d’objets de pop-culture et le développement de personnages. Une balance que l’on pensait rodée, au vu des trois premières garnisons d’épisodes, et déréglée depuis. Comme si le show avait fait le tour de la famille américaine moyenne (son véritable sujet) en divulguant ses dépressions, ses dysfonctions sévères, ses incompatibilités. Par chance, son dernier chapitre (en date) redresse drastiquement la barre : le drame refait surface, les violons ne sont de trop, rappel que le triomphe de Rick et Morty n’est pas seulement dû à ses répliques grasses. Ce sont ses protagonistes obsédés, ravagés, désaxés – en définitive, humains – qui font le sel du programme. Il serait malencontreux que Dan Harmon et Justin Roiland y renoncent sans détour, quand bien même leur numéro de clowns en combinaison blanche – et les piques adressées à la Maison Blanche – les maintiendraient au sommet de l’animation outre-atlantique.