Obi-Wan Kenobi, les tourments du Jedi [Critique]

Obi-Wan Kenobi dégaine son sabre-laser pour une épopée imparfaite, quinze ans après La Revanche des Sith. Ewan McGregor, en vieillard défaitiste, est magnifique.
Dix ans après la chute de la République galactique, le chevalier Jedi Obi-Wan Kenobi mène une vie d’ermite en veillant sur le jeune Luke Skywalker. Une autre mission le fait sortir de sa cachette et lui fait croiser de vieilles connaissances.
De nos jours, les légendes de la galaxie (très lointaine) imaginée par George Lucas s’apprécient depuis un canapé – pour peu que l’on souscrive à la plateforme Disney+. L’échec critique de la dernière trilogie Star Wars et le triomphe de The Mandalorian ont, pour ainsi dire, altérer les plans de Lucasfilm pour la diffusion cinéma. À l’instar du chasseur de primes Boba Fett, qui devait ressusciter le temps d’un long-métrage devenu mini-série, Obi-Wan Kenobi fait son grand retour sur petit écran. Exilé sur Tatooine après avoir dézingué son ex-apprenti, le valeureux Jedi de La Revanche des Sith a laissé sa place à un vieillard défaitiste, planqué dans sa grotte et coupé de ses pouvoirs mystiques. La franchise n’en est pas à son coup d’essai avec les maîtres renfrognés, ostracisés au fin fond de l’espace, mais à contrario des Derniers Jedi et de son Luke Skywalker ronchonneur, la série ne prête aucun œil cynique à la déchéance du héros. Obi-Wan Kenobi traite son sujet le plus sérieusement du monde, son protagoniste affublé d’un stress post-traumatique plus pesant que l’Étoile Noire. Le show entier ne semble exister que pour les yeux découragés d’Ewan McGregor, magnifique en guerrier rouillé incapable de trouver le sommeil, hanté par les visions de Mustafar, et il suffit de peu à Deborah Show (une habituée de la saga, derrière la caméra) pour préciser la note d’intention : en gros plan, les rides de l’acteur écossais parlent pour lui. Bien qu’esquinté (plus qu’il ne l’a jamais été), Obi-Wan est aujourd’hui davantage que Kenobi. Il est le rescapé d’une seconde trilogie décriée puis réhabilitée par les fans, un fantôme ravivant la flamme du Star Wars d’avant. La série en est pleinement consciente et livre une histoire plus symbolique (un quasi-remake, épisode par épisode, de la saga pré-Disney) que foncièrement neuve, prise entre la prélogie et les événements d’Un Nouvel Espoir – l’époque fourre-tout préférée des scénaristes. Mais si tout semble mis en place pour lui éviter d’être anecdotique, ce réveil de la Force ne décolle pas bien haut.
Incontestablement, le chemin intime d’Obi-Wan est une réussite. Ses traumatismes, ses vieux réflexes paternels, son flegme irréfrénable, sa proximité avec la mort – le script aime à nous faire croire que la fin, sous toutes ses formes, est proche – et son retour progressif à la lumière font des merveilles à petite échelle. Il en va de même pour la guerre froide menée contre Dark Vador, dont chaque apparition équivaut à une démonstration de haine et de puissance. La série réitère les intentions de Rogue One en élargissant la silhouette du Sith à outrance, érigé en demi-dieu maléfique malmenant ses victimes comme un chat jouerait avec un oiseau mort. Se cantonner à ce combat d’ordre mythologique eût été préférable. Autour, Obi-Wan Kenobi rameute les Inquisiteurs (les vilains de Star Wars : Rebels et du jeu vidéo Fallen Order), porte-flingues aux tronches rebutantes qui n’ont ici d’autre fonction que celle d’exhiber leurs canines jaunies. Les six épisodes ont beau imposer la présence de Reva, seule de cette Gestapo galactique à manifester un peu de vie, la magie ne fait effet qu’à condition de montrer la barbe grisonnante du Jedi à l’écran. Un constat désolant auquel se greffent des séquences d’action annihilées par un découpage calamiteux, une caméra épaule qui s’échine à maintenir le point, des environnements d’une pauvreté abyssale, toujours plus de seconds rôles dispensables, risiblement sacralisés, et une kyrielle d’incohérences mineures, juste assez crispantes pour affadir l’ensemble. À extirper le protagoniste de sa retraite pour lui faire encaisser une épopée déjà vue mille fois dans la saga et à lénifier sa culpabilité (au centre du pilote puis secrète), Obi-Wan Kenobi manque d’être le Logan spatial fantasmé par le grand public. Sa conclusion atteste de toutes ses qualités, de toutes ses faiblesses, de tout son potentiel refoulé : des silences attendrissants, une musique magique, un acteur principal royal, ruinés par une avalanche de fan-service et de courbettes laser.