Shang-Chi et la Légende des Dix Anneaux, pitre et bastons [Critique]

Nouvel ambassadeur de l’univers Marvel et premier super-héros asiatique à rejoindre les Avengers, Shang-Chi appâte avec un film d’action référencé.
Shang-Chi, maître du kung-fu, va devoir affronter son père, leader du groupe terroriste des Dix Anneaux. Il devra percer le mystère de l’organisation et assumer son triste passé.
De retour sur Terre après les bravades célestes que constituent Avengers : Infinity War et Endgame, les artisans à la solde de Kevin Feige partent à la conquête du continent asiatique (et de son public) avec un personnage inédit, fidèles à la quête de diversité engagée avec Black Panther et Captain Marvel – quête d’autant plus urgente qu’elle suit le départ des mascottes les plus rentables. Premier super-héros chinois de la franchise, maître du kung-fu préposé au sauvetage du monde (on ne change pas une formule qui rapporte), Shang-Chi rejoint le rang des nouvelles recrues non sans traîner derrière lui un lourd passé familial. Comme tant d’autres avant lui, ce doublon de Bruce Lee doit composer avec un héritage empoisonné et déloger son propre père de son trône machiavélique, afin de préserver l’univers de sa magie. Plus parenthèse modeste que film-monstre réunissant une génération de porteurs de cape, Shang-Chi et la Légende des Dix Anneaux convie le meilleur du savoir-faire marvelien et s’incruste sans mal dans le macrocosme Avengers. Mais sa réelle force, le blockbuster la doit aux classiques du cinéma hongkongais dont il s’inspire, se connectant visuellement et spirituellement aux travaux de Tsui Hark, Jackie Chan et Ang Lee – pour ne citer qu’eux. Le film de Destin Daniel Cretton casse ainsi suffisamment le moule pour définir une identité claire et distinguée de la masse, édifié sur les bases les plus résistantes qui soient.
Question scénario, Shang-Chi n’est pas foncièrement étranger aux balises qui jalonnent les productions Marvel Studios, firme spécialisée dans l’exposé des origines de nos super-héros préférés. L’histoire passe par des sentiers bien connus du genre, capitalise sur un humour anti-dramatique et des stéréotypes galvaudés, et perd de sa consistance lors d’un troisième acte rebutant de numérique. Sa pertinence est ailleurs, dans l’alchimie patente de ses protagonistes, sa bande originale tapageuse, la mixité de ses environnements, mais surtout sa technique d’une fluidité à toute épreuve. Destin Daniel Cretton opte pour une caméra immergée dans l’action, refusant la coupe intempestive pour aller chercher le mouvement, et imprimer la pellicule des chorégraphiques de combat. C’est dans ces séquences d’opposition musclées que le blockbuster ravive la flamme Tigre et Dragon, dans lesquelles l’enchaînement de coups prend l’apparence d’un ballet aérien et vertigineux, l’essence du wu xia pian. Et si le film ne touche jamais au sublime du Hero de Zhang Yimou, la faute à ses incrustations sur fonds verts douteuses, il tend à rendre hommage à tout un pan du septième art chinois. Cela lui assure d’être l’un des produits les plus galvanisants du Marvel Cinematic Universe. Son autre avantage de taille, c’est son casting de pointures. Simu Liu (dans les sandales du personnage éponyme) et Awkwafina font de bons et charmant héros, mais rien n’a d’égal que la stature inaltérable de Tony Leung. Ce dernier interprète le grand vilain, père de famille hanté par son amour d’antan, un rôle qui sied parfaitement aux yeux troublés du comédien d’In the Mood for Love, brièvement accompagné par la royale Michelle Yeoh. Leur prestation à elle seule, même si le texte qu’on leur confie n’est transcendant, justifie le déplacement.