Dune, un peu plus près des étoiles [Critique]

Denis Villeneuve fait décoller la saga Dune avec un premier chapitre dense, prémices d’une odyssée épique, politique et spirituelle. Un grand film de science-fiction.
Dans un futur lointain, le duc Leto Atréides reçoit de l’empereur Shaddam IV le fief de la dangereuse planète Arrakis, source de la substance la plus précieuse de l’univers. Conscient qu’il s’agit d’un piège, Leto emmène sa femme et son jeune fils sur cette planète que l’on appelle « Dune ».
Pharaonique. Voilà un mot approprié à l’ampleur du projet Dune, adaptation cinématographique du roman culte de science-fiction. Depuis des lustres, le livre de Frank Herbert partage avec le septième art une relation houleuse, passé entre les mains d’Alejandro Jodorowsky, Ridley Scott, David Lynch – le seul qui est allé jusqu’à la salle de cinéma – et Peter Berg. Tous ont voulu adapter les fables d’Arrakis, tous se sont résignés ou, pour les plus téméraires, ont échoué. Jusqu’à ce que l’on propose à Denis Villeneuve, dont l’appétence pour les grosses productions américaines le prédestinait quelque peu à dériver vers les lignes d’Herbert, de rallumer ses caméras pour adapter l’inadaptable. Pour en reporter toute la teneur, le réalisateur coupe l’intrigue en deux. Un choix avant tout motivé par la densité de l’univers Dune, constellation politique, exigeante et aride, et qui présage de l’ambition entourant le long-métrage, voulu point de départ d’une franchise appelée à concurrencer Star Wars et ses milliards de dollars. Dune : Première Partie, de son nom complet, plante donc les graines de son monde et consacre la quasi-totalité de ses deux heures et demie à la pleine exposition de ses enjeux. Villeneuve passe en revue technologies, troubles politiques et économiques, héritage et prophétie, façonnant les fondements d’une odyssée épique comme La Communauté de l’anneau l’avait fait en son temps. Habité d’une passion qui transcende sa réalisation, le metteur en scène se soustrait à la tirade encyclopédie bête, sans même recourir à la vulgarisation de sa mythologie touffue. Il échafaude par bribes, donne le temps aux indications de maturer. C’est ici qu’opère la magie du cinéaste canadien : son blockbuster respire tranquillement, contextualise à son propre tempo. Dune est un film vivant.
Le sentiment est décuplé par la direction artistique minimaliste, patinée et majestueuse élaborée par Denis Villeneuve, quatre ans après le miracle esthétique Blade Runner 2049, qui signale tout le vécu de ces galaxies lointaines. Pour ce récit d’importance et de destinée, le réalisateur cultive une dichotomie des échelles, bascule entre un cadrage serré et la prise de recul exagérée. D’un extrême à un autre, d’une pupille dilatée par une épice magique à l’énormité hyperbolique de l’architecture, le réalisateur met en image le poids du monde sur les épaules de ses protagonistes et reconsidère la place de l’homme face au néant. Le rapport à l’envergure (et les questionnements qui l’escortent) n’est jamais aussi écrasant que lorsque la caméra se plante dans les dunes d’Arrakis, océan de sable parcouru de vers des sables, et que la silhouette de Paul Atréides (héros malgré-lui de cette histoire) se détache à peine de l’immensité ocre. Villeneuve laisse de côté le mysticisme pour cette première partie, mais il esquisse déjà le cheminement spirituel de Paul à coups de visions cryptiques. Sous l’affublement princier, Timothée Chalamet remplit son rôle de gamin fébrile pourtant sûr de lui, assailli de responsabilités et décidé à mener. Rebecca Ferguson, sa mère à l’écran, n’est pas en reste. L’actrice de Mission : Impossible porte en elle une sensibilité stupéfiante, tenant tête à Oscar Isaac, Josh Brolin, Jason Momoa, Javier Bardem et leur charisme explosif. Et si l’émotion manque quelques fois à l’appel, peut-être par manque de temps et de liant entre ces visages connus du grand public, celle-ci devrait pointer le bout de son nez dans une deuxième partie plus spectaculaire encore, ourlée par les bases tonitruantes du compositeur Hans Zimmer.