La Mission, Tom Hanks parfait en cow-boy bienveillant [Critique]

Paul Greengrass retrouve Tom Hanks pour un western lancinant et contemplatif, exécuté mécaniquement mais solidement porté par son duo de comédiens.
Le capitaine Jefferson Kyle Kidd, un vétéran, traverse le pays en qualité de rapporteur public et tient les gens informés des péripéties des grands de ce monde. En parcourant les plaines du Texas, il croise le chemin de Johanna, enfant capturée et élevée par une tribu indienne. Kidd accepte de la ramener à sa famille, mais la route est longue et hostile.
La dernière fois que le réalisateur de Jason Bourne côtoya Tom Hanks, les deux hommes voguèrent sur les eaux trépidantes du thriller, l’acteur grimé en marin acculé dans l’intense Captain Phillips. Réunis autour de l’adaptation du roman News of the World de Paulette Jiles, Paul Greengrass et Hanks s’attaquent au drame crépusculaire et westernien, récit de parenté prenant forme cinq ans après la Guerre de Sécession, dans une Amérique sèche et rustre. La tête d’affiche s’est permis de vendre le projet en jouant de la comparaison, imaginant un lien entre son dernier long-métrage et la série à succès The Mandalorian. Et si l’annexion des deux œuvres prête à sourire, elle se voit rapidement fondée au visionnage de La Mission, où le comédien de Forrest Gump, ancien soldat, prend sous son aile bienveillante une enfant sauvage. Pour cette histoire aux contours familiers, Greengrass se muni d’une sobriété académique, imposant à son récit un ton lent et mécanique qui, s’il ne dévoile que de maigres fulgurances, porte un regard pertinent sur morceau d’Histoire.
La nervosité au placard, le metteur en scène s’accapare une esthétique desséchée et rupestre, misant sur les grands espaces arides, les monticules rocailleux et les cieux dégagés pour emmitoufler son odyssée – la photographie de Darius Wolski (Pirates des Caraïbes) est somptueuse. La démarche pataude, explicable, vire à la contemplation de ces vastes décors, dans lesquels un père de substitution transporte une fillette élevée parmi les indiens. Péripéties roués de convenances, parcours prévisible, mais ce rejeton de L’Enfant Sauvage et True Grit convertit la complicité naissante en réacteur émotionnel. Si le long-métrage traîne la patte, c’est qu’il fait du temps un facteur décisif dans le processus affectif qui lie, chevauchée après chevauchée, l’adulte et l’enfant. À cela se greffent les prestations désarmantes de Tom Hanks et Helena Zengel, jeune actrice allemande remarquée dans Benni, sorti en salles il y a deux ans. Le binôme, tout de retenue, séduit instantanément en dépit d’un traitement dépassé et de fusillades fatiguées.
Cela dit, rien ne semble avoir plus d’importance pour le réalisateur que l’information, dont le nouveau protagoniste en est un fringant conducteur. Les gambades du Capitaine Kidd – Hanks, chez Greengrass, conserve son grade – induit l’essentialité de la donnée et de sa communication au sein du schéma démocratique. Une affirmation prenant tout son sens à l’ère de l’actualité immédiate et de l’omnipotence des médias. Nulle scène ne s’avère aussi chaleureuse et réconfortante que celles des revues, où le peuple américain s’exclament, s’insurgent ou se désopilent, toujours en chœur. Un présage de bon augure pour une nation tout juste débarrassée d’un dirigeant encombrant. Cette sympathique randonnée, distribuée en salles par Universal Pictures aux États-Unis, est disponible sur Netflix dans l’Hexagone.