Palm Springs, une hilarante histoire du temps [Critique]

Premier film malin, Palm Springs profite de la boucle temporelle pour traiter le temps qui passe et non s’en moquer. Une comédie romantique savamment pensée.
Lors d’un mariage à Palm Springs, Nyles fait la rencontre de Sarah. Les choses prennent une tournure complexe lorsque les deux se retrouvent contraints de revivre sans cesse la même journée.
La boucle temporelle fait les belles heures de la comédie outre-atlantique. Si le postulat n’est pas aussi essoré que celui des gueules de bois et des lendemains difficiles, il revient fréquemment exhiber sa mine, ses propres mécanismes et récurrences sous le bras. Un sous-genre qui compte ses indémodables (Un jour sans fin), ses mariages à l’horreur, la science-fiction et, bien entendu, la comédie romantique. C’est sur ce terrain pétri de motifs préconçus que s’aventure Palm Springs, projeté en avant-première au Festival du film de Sundance l’année dernière. Et sur cette route où tout s’exécute et s’abandonne à la répétition, le long-métrage de Max Barbakow (son premier) prend un malin plaisir à déconstruire la méthodologie courante et dévie cocassement pour – au contraire de son principe – éluder la redite. L’idée n’est plus d’envoyer au casse-pipe ces pauvres quidams coincés dans un laps de temps précis et de réitérer la chose à n’en plus pouvoir, mais de planter sa caméra dans le sens inverse : observer, à travers ces journées identiques, le temps affecter ce qui subsiste. Le comique de répétition est quelques peu évincé – notre héros a déjà franchi ces préliminaires – et fait place à une émotion splendidement mélancolique, enveloppant deux protagonistes qui ne cherchent plus à faire dérayer la boucle.
Deux mariés, une foule en joie et un électron libre au déhanché assuré. Nyles, premier des deux coincés, capte aussitôt l’attention. Au milieu des festivités, de l’exigence d’autrui, il endosse une chemise hawaïenne, coupe la parole. Il ne tarde à rabâcher son nihilisme, sa résilience, et conçoit (en réalité) sa cage temporelle comme une bulle protectrice qui l’empêche de remettre le nez dans ses problèmes de trentenaire apathique. D’autres motivations et ressorts viennent perturber ce quotidien désenchanté, intégrés par l’apparition de Sarah dans le système. L’intelligence de Palm Springs sèvre ces deux (futurs) amis des passages obligés, sessions de sketchs montées en quatrième vitesse, voyant leurs morts défiler convulsivement. En prenant conscience de la situation, de son absurdité et sa tragédie, Nyles et Sarah se retournent sur l’essentiel, le facteur humain. Sous couvert de répliques poivrées et de chorégraphies débridées – le récit de ces prisonniers d’un même jour se renouvelle au fil des introspections –, Max Barbakow développe deux protagonistes hautement empathiques, revoyant par ailleurs la définition de la relation amoureuse et de la banalité par le prisme de l’errance existentielle.
Palm Springs aurait de quoi devenir un classique du genre, en grande partie pour son formidable tandem d’acteurs. Andy Samberg, membre de la troupe The Lonely Island et étendard du show Brooklyn Nine-Nine, compose un personnage trouble, perdu entre langueur et répartie jubilatoire, mais ne vole la vedette à Cristin Milioti (apparue dans Black Mirror et Le Loup de Wall Street), ici abreuvée au cynisme. L’alchimie du duo colmate un script savamment pensé, contre-pied légèrement subversif à Il était temps, autre douceur croisant voyage temporel et romance mignarde.