Dreamland, dans l’ombre de Bonnie & Clyde [Critique]

Le western romantique de Miles Joris-Peyrafitte se perd dans ses influences. Les vedettes de Suicide Squad et Peaky Blinders n’y changent rien.
Durant la Grande Dépression, Eugene Evans compte sauver l’exploitation agricole de ses parents en capturant une braqueuse de banques qui sévit dans la région. À sa rencontre, il tombe sous son charme.
Adaptation à peine déguisée de la légende Bonnie & Clyde, le western de Miles Joris-Peyrafitte est l’une des (très) nombreuses victimes collatérales d’un contexte sanitaire obstruant la voie des salles, ne laissant que plateformes de streaming et canaux « à la demande » pour rassasier un public plus que jamais demandeur. Mais Dreamland pouvait-il seulement convaincre les foules ? Le nom de Margot Robbie, icône hollywoodienne émergente, porte-étendard d’une génération féministe prête à en découdre, est un premier argument en sa faveur. La vedette de Birds of Prey incarne ici les valeurs qu’elle défend depuis les tapis rouges et son siège de productrice : l’image d’une femme forte, décisionnaire et consciente de ses atouts irradie le thriller romantique. Une louve dont s’entiche l’agneau. Mais passé la performance appréciable de Robbie et son charisme imperméable (même au risible), le long-métrage peine à sortir du balbutiement et, s’il essaye farouchement de se démarquer, se révèle fatalement anecdotique.
Dreamland porte bien son nom. À la veille de la Seconde Guerre mondiale, alors que le pays s’appauvrit et que ses terres s’assèchent, un jeune rêveur croise la personnification de ses fantasmes, une hors-la-loi en fuite qui semble être un pont vers le frisson de l’aventure. Pour Eugene Evans, triste héros, ce sont les récits rocambolesques de ses bandes dessinées qui se matérialisent sous ses yeux. Les songes et la réalité se percutent, se fondent, s’écharpent, parfois au sein d’un unique plan, et c’est autour de cette échauffourée que le film prend forme. Si la mise en scène paraphrase à outrance (principalement Terrence Malick), plombant le script par la sempiternelle (et incohérente) répétition de citations, celui-ci exploite judicieusement l’excitation et l’enfièvrement de son protagoniste, un garçon confronté à l’âge adulte et sueurs amoureuses. Le souffle sulfureux que l’on prête habituellement aux braqueurs Parker et Barrow laisse place à un timbre timoré, qui fait de l’ébat un acte prude et dissimulé. Il manque certainement quelques fibres chaudes à ce couple pour être pleinement crédible, mais les regards convaincus de Margot Robbie et Finn Cole apaisent les réticences sur le vif.
Cependant, Dreamland se perd en hésitation, entre la fuite passionnée de deux âmes sœurs et le drame atmosphérique, frappé d’un soleil destructeur. Le film ne parvient, malgré ses mille variations, à outrepasser son postulat initial, celui qui visait à inverser la tendance. L’on perçoit l’esquisse d’un tableau émouvant, le débat de jeunes adultes face à l’horizon bouchée, une intention chaste. Autant de pistes qui auraient pu nourrir l’entreprise, au lieu de la démembrer. Au final, le long-métrage de Joris-Peyrafitte tâtonne sans aboutir, expérimente sans construire, et les sourires aguicheurs ne sont d’aucun recours.