L’Histoire Personnelle de David Copperfield, une relecture légère [Critique]

Le réalisateur de La Mort de Staline s’approprie le roman de Charles Dickens et en puise la sève comique, au point de frôler le conte. Divertissement imparfait, mais réjouissant.
Enfant pauvre, David Copperfield est parvenu à devenir un auteur à succès. Son parcours, semé de déboires et rencontres décisives, lui inculqueront la persévérance en dépit d’un manque de discipline personnelle.
Non moins célèbre qu’un Oliver Twist, autre classique de la littérature anglaise signé Charles Dickens, David Copperfield reste un récit moins étudié, dupliqué ou formaté pour un passage sur pellicule – le dernier (télé)film à s’être penché sur le roman date de 1999. Vingt ans plus tard, Armando Iannucci revisite le matériau originel d’un œil léger, lui qui fut salué (notamment) pour son ironie mordante, et traite l’ascension du garçon éponyme comme un voyage quasi-fantastique, fourré de protagonistes hauts en couleur et d’un humour enjôleur. Si l’on connaît Dickens pour ses tournants misérabilistes, Iannucci les troque volontiers contre une montagne de gags loufoques et rires innocents, préférant la féerie de sa galerie de personnages aux passages pessimistes, présents mais nettement atténués pour ne briser la continuité enthousiaste que le réalisateur instaure dès les scènes d’exposition. L’histoire est toujours celle du petit David, forcé de quitter sa mère et de travailler à l’usine, connaître la misère et grimper lentement les cases sociales, et le portrait noir d’enfants jetés à la rue dans l’Angleterre victorienne s’observe sans effort. Néanmoins, l’approche guillerette du cinéaste fait déborder les rebondissements abracadabrants et noie – cela est volontaire – le sous-texte malheureux, faisant de L’Histoire personnelle de David Copperfield un divertissement réjouissant, toutefois détroussé de sa force politique.
Entraînante est donc la route de Copperfield, contraint de changer de nom selon les décors et fréquentations – indice supplémentaire quant à la difficulté de devenir quelqu’un. Le jeune héros, interprété par un Dev Patel lumineux, telle la Dorothy Gale du Magicien d’Oz, croise autant de difficultés que de personnalités cocasses, aux allures si exagérées qu’elles nous feraient facilement croire qu’elles débarquent d’un conte. Une tante allergique aux ânes, un parent obnubilé par le roi Charles, un beau-père machiavélique : les profils extravagants, rappelant la bonne fée et la vilaine sorcière, vont et viennent, vecteur d’une malice voulue omniprésente. La représentation n’en est que plus convaincante qu’elle repose sur une distribution anglaise de toute beauté, conciliant pointures du grand (et petit) écran et cabotinage jovial. Hugh Laurie, Tilda Swinton, Peter Capaldi ou encore Gwendoline Christie, parés des oripeaux de l’époque, s’esclaffent et jurent à la volée, acteurs de premier plan dans la quête (finalement) identitaire du héros de Dickens. La direction artistique, logiquement assortie à la reconstitution historique du XIXe siècle, aide à concrétiser la version expressionniste d’Iannucci, dont la mise en scène sustente significativement l’imaginaire. Pour le cinéaste, c’est aussi l’occasion de développer la notion d’auteur, Copperfield étant le narrateur compulsif de sa propre vie. Une bonne histoire tient-elle de la restitution honnête des faits, de la façon de les exposer ou des libertés que s’accorde la plume ? L’Histoire personnelle de David Copperfield n’y répond qu’à moitié, non par fainéantise mais bien pour laisser l’audience décider par elle-même.