Le Roi Lion (2019), une prouesse sans magie [Critique]

Disney s’est enlisé dans une drôle d’entreprise : réaliser des remakes de ses propres productions, sorte de mise à jour avec des moyens contemporains. Plus que jamais, la question de l’utilité et du bon sens se pose, à présent que la firme aux grandes oreilles s’apprête à dévoiler sa nouvelle version du Roi Lion, réalisée par Jon Favreau.
La savane africaine tend les bras au nouveau né royal Simba, fils du grand Mufasa. Dans l’ombre, le frère du roi Mufasa jalouse son jeune neveu. Complots et trahisons se fomentent alors, poussant le lionceau a abandonner son héritage.
Ayant la réputation d’être le plus grand classique de la firme Disney, il n’est pas surprenant que Le Roi Lion finisse par passer par la case de la réadaptation, sur le modèle du Livre de la Jungle, La Belle et la Bête et Alice au pays des merveilles. Animés par des effets spéciaux modernes et de légères retouches scénaristiques, ces remakes ressortirent avec les grâces du box-office international et confortèrent Bob Iger et ses équipes dans l’idée de repeindre l’entièreté de leur catalogue. La relecture de Jon Favreau, à nouveau aux commandes après un autre lifting live-action, se visionne sans déplaisir et restitue les beautés du continent africain, sa nature époustouflante, avec grandiose. Le spectacle s’octroie le droit de peaufiner certains pans de l’histoire originale et d’approfondir les protagonistes, au détriment de la magie Disney, ici absente.
Favreau (Iron Man) n’a manqué de partager l’audace du pari technique, visant à épouser la réalité de la savane via technologies performantes et étude du royaume animal. Sur ce point, Le Roi Lion touche au merveilleux, tant la prouesse ébouriffe de bout en bout. La faune et la flore scintillent sous nos yeux, rendues crédibles grâce aux mouvements, aux textures et aux décors que l’on jugerait palpable. Des branches qui frétillent sous le poids des fourmis aux pas lourds des éléphants, l’Afrique transpire la vie. Le métrage se plie à un soucis de réalisme qui déteint naturellement sur ses images et impacte également son script. Les actions des protagonistes s’adaptent au format live-action, délaissant la dimension théâtrale du dessin animé et privilégiant un comportement animal cohérent. Ne cherchez plus les envolées fantastiques qui ponctuaient l’œuvre de 1994 : elles ont laissé place à des enchaînements logiques. Si l’intention est compréhensible, voir disparaitre les séquences magiques et poétiques du film original relève du crève-cœur. Les séquences musicales en prennent un sacré coup. Les personnages se contentent de marcher et de remuer les lèvres, bien que les fanfares conservent leur intensité. Un produit final pour le moins déroutant et frustrant.

Le récit perd en relief, ne pouvant plus compter sur les sommets cultes qui le forment (Hakuna Matata est une scène comme une autre). Favreau tient toutefois à conserver le découpage initial, adapté au premier Roi Lion, dont le rythme était soutenu. Rallongé de trente minutes, durant lesquelles le cinéaste étoffe le secondaire, le blockbuster se présente de la même façon et donne la mauvaise expression d’expédier ses actes. L’ensemble s’enchaîne si rapidement que les protagonistes semblent perdre la raison, faille flagrante en ce qui concerne Simba et Nala, qui hurlent, se divisent et s’aiment en quelques plans. S’attacher aux enjeux, aux drames et aux amitiés devient compliqué, comme si les équipes de Disney s’étaient convaincues que le simple souvenir du film originel suffirait à emporter l’audience. Mais isolée, la version 2019 manque de substance et de densité.
De sa mue, le scénario tire de nombreux détails supplémentaires. Ainsi, les personnages de Nala et Scar (dont les cas sont plus parlants) gagnent subtilement en complexité. Les dilemmes sont renforcés, les protagonistes sont compréhensibles. Il s’agit de modifications mineures, en vue du réel impact sur les péripéties, mais suffisamment réussie pour les féliciter (on connaît Disney et son amour pour les sentiers battus). Quiconque se souvient de L’Histoire de la vie renouera avec les émotions d’antan, à coup de dialogues iconiques et de cadres cultes. L’arnaque à la nostalgie, Disney en connaît les rouages et dispose ses cartes avec précaution. Rester insensible face à la mort de Mufasa, traumatisme pour les enfants de l’époque, est toujours un défi de taille. Mais devant ces artifices, vient la question de la pertinence et de l’intention. Peut-on valider un tel projet ? Quel message concernant la créativité et l’art ? Disney se recycle, réitère ses exploits passés et se félicite de ses succès. Nul ne doute du triomphe que rencontrera Le Roi Lion, mais beaucoup s’interrogent sur la politique actuelle du studio, qui porte un violent coup à l’inventivité. Le long-métrage est une petite réussite, ne serait-ce que pour le divertissement et sa plastique. Malgré lui, il est l’étendard d’un modèle triste pour Hollywood.