X-Men : Dark Phoenix, saga en perdition [Critique]

La saga X-Men ne sait plus où donner de la tête : son dernier opus, Dark Phoenix, condense le pire de la licence en reprenant les bases du terrible X-Men 3.
Au cours d’une mission spatiale, Jean Grey est frappée par une force cosmique mystérieuse. De retour sur Terre, la jeune femme réalise qu’elle est dotée d’un plus grand pouvoir, qui pourrait aussi bien mettre en danger ses proches que sa propre personne.
Comme honteux d’avoir présenté L’affrontement final, qui tient (à peu près) la même trame que cette nouvelle itération, la Fox se propose aujourd’hui de ré-écrire l’histoire et de rendre hommage aux comic books éponymes, les mêmes qui furent souillés par Brett Ratner en 2006. L’intention est non seulement louable, mais également en adéquation avec la direction actuelle de la saga, en constante révision depuis son soft-reboot. Encore faut-il réussir son coup. Car ce Dark Phoenix, bien supérieur au film qu’il reprend, certes, peine toutefois à justifier son existence tant les choses semblent jouer en sa défaveur, à commencer par son manque profond de saveur.
Si chercher à renouveler une saga initiée il y a deux décennies est loin d’être incohérent, d’autant plus à une époque de reboot et de relances, le scénario de Simon Kinberg (producteur passé derrière la caméra) se veut si ambitieux et novateur qu’il en dénature complètement ses personnages et leur univers. L’un des principaux (et malheureux) changement opéré est le postulat de départ, visant à faire de l’équipe de héros des célébrités glorifiées. Les mutants ne sont plus craints, c’est même tout le contraire. Au lieu de nourrir la thématique en traitant son contraire, Dark Phoenix jette à la poubelle l’essence-même de la franchise, reniant ce qui faisait toute sa particularité. C’est précisément ce qui différenciait les aventures de Wolverine et cie de celles des Avengers : savoir aborder des messages politiques et sociétaux au travers de figures super-héroïques, là où d’autres prônent un divertissement décomplexé et bas de plafond. Apocalypse souffrait déjà de ce syndrome, en évitant soigneusement de développer son propos et en misant sur le grandiose des séquences, devenant ainsi un film chorale explosif mais peu mémorable. Dark Phoenix ne peut même pas compter sur ses scènes d’action.

Le long-métrage, sur le papier et à l’image des comics dont il est issu, est pensé pour être psychologique, explorer les tourments de nos héros (de la peur de Jean Grey aux vices de Charles Xavier). Lorsqu’il se veut intime, le film réussirait presque à émouvoir, créer de l’empathie et trouver un ton intéressant. Le montage vient faire voler en éclats les bonnes intentions, secouant avec maladresse un récit déjà boiteux. La détresse du personnage principal, jeune mutante en proie à son propre pouvoir, est un moteur tout trouvé pour mettre en lumières des réflexions pertinentes (sur la solitude, par exemple), mais l’ensemble est découpé à l’extrême, tuant ce qui s’entame à peine. Et derrière la caméra, Kinberg se contente du strict minimum, favorise les acrobaties à l’étude de ses protagonistes (ce qu’il ne réussit même pas). Il est impressionnant de constater à quel point Dark Phoenix manque de puissance et rate toutes les séquences qui devraient nous laisser bouche bée.
La volonté de concurrencer les histoires de Marvel et Disney pousse la Fox à repenser les frontières de l’univers X-Men, jusqu’à envisager l’improbable : placer des extra-terrestres comme antagonistes. Pour une licence qui a toujours joué de sa dimension humaine, le décalage est net. Sans la moindre originalité, ces êtres venus d’ailleurs singent l’apparence des hommes et femmes qu’ils croisent et agissent sans une once de sentiment. Des machines à tuer, en somme, qui rappellent les menaces fades auxquelles le genre nous a habitué. Le Dark Phoenix perd en intérêt ce que ces vilains inédits gagnent en temps d’écran. Certainement conscients du dépérissement de la saga, les acteurs ne parviennent plus (ou en de rares occasions) à sauver les meubles.
S’il est une chose que Dark Phoenix aura radicalement fait de positif, c’est bien d’engager Hans Zimmer. Le compositeur allemand revient aux adaptations de comics, après avoir annoncé qu’il ne travaillerait plus sur ce type de production (la dernière en date étant Batman v Superman). Les musiques créées pour l’occasion ne manque pas d’épique, bien qu’il soit indéniable que l’auteur ne soit pas à son meilleur. Alors, X-Men : Dark Phoenix n’est pas l’argument idéal pour défendre la saga, et encore moins son épisode le plus marquant. Derrière des intentions compréhensibles se cachent des maladresses et un déficit d’originalité, à la base de l’échec du long-métrage. Tout ceci n’est qu’histoire ancienne, maintenant que Magneto, le Professeur X ou encore Cyclope s’apprêtent à intégrer un nouvel univers cinématographique. Dommage que cette entreprise se termine sur une note aussi mitigée.