Toy Story 4, la magie Pixar de retour [Critique]

Pouvait-on seulement espérer une fin plus satisfaisante et juste que celle de Toy Story 3 ? Visiblement, le studio d’animation le plus célèbre du monde pense que oui. La maison Pixar présente donc une énième suite à sa licence phare, huit ans après avoir prétendu refermer le coffre à jouets. Catastrophe évitée.
Woody a toujours privilégié la joie et le bien-être de ses jeunes propriétaires et de ses compagnons. L’arrivée de Fourchette, un nouveau jouet qui ne veut pas en être un, dans la chambre de Bonnie met toute la petite bande en émoi. C’est le début d’une grande aventure et d’un extraordinaire voyage pour Woody et ses amis.
Monstres Academy, Le Monde de Dory, plus récemment Les Indestructibles 2… À l’exception des Toy Story, Pixar n’a pas brillé de par sa capacité à jouer les prolongations. Pire, celles-ci n’ont que trop souvent eu lieu pour raisons mercantiles plus que par intérêt créatif. Alors, voir le studio ressortir une saga que l’on pensait définitivement close n’eut absolument rien de rassurant. Rien, pour ainsi dire, ne semblait plus périlleux que d’annuler les adieux émouvants et ô combien réussis que constituaient le troisième opus de Toy Story, film de la consécration pour la filiale Disney (nommé à l’Oscar du meilleur film, milliardaire au box-office et unanimement salué pour ses qualités scénaristiques et techniques). Pourtant, et contre toute attente, ce Toy Story 4 esquive intelligemment l’étiquette du « film de trop » en adoptant un angle thématique inédit et en se prévalant d’une animation à couper le souffle. En somme, en respectant les plus nobles traditions de la saga.
Chacun des Toy Story a apporté sa pierre à l’édifice, en élargissant le terrain de jeu, en insufflant de nouveaux personnages ou en développant un sujet neuf. C’est le cas de Toy Story 4, qui continue, dans la lignée des précédents, de fleurir une vision riche et complète de l’amitié, de la transmission et de la relation entre l’humain et le matériel. Pour sa dernière histoire (il semblerait), la licence se concentre sur le personnage de Woody, dont le quotidien a bien changé depuis que son ancien propriétaire a confié ses jours à une petite fille. Le shérif n’est plus le héros au centre de l’attention, laissé à l’abandon malgré ses nombreux efforts. Cette aventure-ci fait figure de quête existentielle pour le cow-boy doublé par Tom Hanks qui, via Forky, remet en perspective ses principes et ses a priori sur sa condition. Le scénario signé Stephany Folsom (Star Wars Resistance) amène des réflexions touchantes sur le rôle d’un jouet, en tordant notamment un manichéisme pas si évident.

Concentré sur Woody et ses dilemmes, le récit délaisse malheureusement le reste de la troupe. La participation de Buzz l’Éclair, personnage emblématique de la trilogie, se résume à de la bagarre rythmée et au comique de répétition. Triste sort, mais pas aussi désespérant que celui réservé à Jessie, Rex ou Pile-Poil, dont les répliques se comptent sur les doigts de la main. Toy Story 4 fait donc l’impasse sur une grande partie de sa galerie de personnages, dans le but de s’étendre sur un monde où l’appartenance à un enfant n’est pas la norme. Deux décors forment le cadre principal du film et apparaissent comme le lieu de réflexions neuves sur la place des compagnons miniatures, auprès d’enfants ou non. D’un côté, la fête foraine et ses lots suspendus, où les peluches attendent désespéramment d’être gagnées ; de l’autre, une boutique d’antiquités, poussiéreuse et inquiétante. Ces endroits forment un terrain adéquat pour des scènes d’action spectaculaires, aux pieds des manèges ou sur les vieilles étagères du magasin. Les péripéties de nos héros sont mouvementées, aériennes et ponctuées d’humour.
Josh Cooley se retrouve à la barre du projet, ayant travaillé au préalable sur Vice-Versa, Ratatouille et Là-haut. Un habitué de la maison. D’un point de vue technique, Toy Story 4 est tout bonnement hallucinant, comme en atteste son ouverture sous pluie battante. L’animation fluide et précise, le rendu photoréaliste et le soin porté aux lumières feraient pâlir les plus récentes productions en animation relief. Au-delà du degré impressionnant de détails et du boulot admirable sur les matières, Josh Cooley parvient à cadrer le mouvement avec efficacité, sans jamais perdre son spectateur. Une réussite esthétique et scénique agrémentée d’un travail d’échelle édifiant, point sur lequel le studio a toujours su faire des étincelles.
En somme, Toy Story 4 est digne des opus qui le précèdent, plus fort que la moyenne des produits estampillés Pixar. Le long-métrage n’atteint pas la maestria du troisième chapitre, mais s’inscrit comme une conclusion douce et larmoyante – avant qu’un autre volet ne voit le jour. Espérons quand même que ces jouets attachants restent cette fois-ci au repos, ils le méritent.