Le Livre de Boba Fett : Boba qui ? [Critique]

À vouloir redorer le blason du plus connu des chasseurs de primes de la galaxie Star Wars, la mini-série Le Livre de Boba Fett n’aura fait que confirmer sa position anecdotique.
Après avoir aidé le Mandalorien dans sa lutte contre les troupes impériales, le célèbre Boba Fett arrive sur Tatooine et revendique le territoire autrefois dirigé par son ex-employeur, Jabba le Hutt.
Dans les films de George Lucas, ses minutes à l’écran se comptent sur les doigts de la main. Pourtant, Boba Fett est l’un des personnages les plus identifiés et sacralisés de la saga Star Wars. Légende des comic books, connu des spectateurs pour avoir capturé Han Solo dans L’Empire contre-attaque, le chasseur de primes devait à l’origine jouir d’un film solo avant que le projet ne soit annulé, puis remplacé officieusement par la série acclamée The Mandalorian. Le mercenaire à l’armure verte s’est depuis extirpé des entrailles du Sarlacc – il y avait été laissé pour mort dans Le Retour du Jedi – et trouve sa place sur Disney+, plateforme fertile sur laquelle Lucasfilm a jeté son dévolu. Jon Favreau et Dave Filoni, les deux bonshommes qui chapeautent les dérivées télévisées de la franchise, couvrent via ce show original la prise de pouvoir de Fett, lequel a récupéré le trône de feu Jabba le Hutt et peine à en tirer le prestige escompté. Nous revoilà sur Tatooine, planète de sable et repère des hors-la-loi dont la saga peine visiblement à décoller, à coller aux basques du nouveau seigneur local que personne – à deux ou trois aliens près – ne respecte plus. Ni les autorités, ni la pègre, pas même les pochtrons de la Cantina de Mos Eisley et encore moins les scénaristes ne portent considération à celui qui, autrefois, glanait le titre du plus redouté des sicaires de la galaxie. Au point que Le Livre de Boba Fett ait l’audace de mettre à la porte le personnage éponyme pour raconter tout autre chose, en cours de route. Et l’on ne peut que comprendre cette digression (un aveu d’échec retentissant) face à la pauvreté des quatre premiers épisodes exclusivement centrés sur la renaissance du truand. Outre sa plastique douteuse, ses décors insipides et ses nuits américaines lamentables, la série affiche explicitement son manque d’ambition et de vision au travers d’une succession de flashbacks mal agencés et d’un recyclage permanent des éléments cultes de la licence. Tout était en place pour que le téléspectateur assiste à une guérilla mafieuse dans une galaxie lointaine, mais le programme préfère zieuter la ringardise des Power Rangers – on soupçonne le réalisateur et producteur Robert Rodriguez (Spy Kids) d’être le responsable du désastre.
Alors, après avoir lourdé Boba Fett – non sans lui avoir octroyé un séjour peinard chez les Tuskens et calé une poignée de personnages secondaires issus de spin-offs, parfois obscurs –, la troisième saison de The Mandalorian démarre, avec son intrigue, ses acteurs, sa parenté avec le cinéma de Sergio Leone, sa réalisation souple. Fett réduit au caméo, les épisodes gagnent en grandiose, en justesse, en profondeur. Il aura fallu le dégager pour que le frisson de l’aventure spatiale se fasse ressentir, preuve formelle (et in fine désolante) que Jon Favreau n’a su quoi faire de son protagoniste, dont le traitement si conventionnel (l’ex-assassin qui aspire à l’honneur) assomme de lassitude. Et ce n’est pas la performance tiède de Temuera Morrison qui risque d’ébranler ce terrible constat : l’acteur néo-zélandais, malgré sa carrure imposante, ses dents blanches et sa bonne gueule, déballe son texte sans le moindre enthousiasme et se fait incessamment voler la vedette par sa partenaire de crime, campée par Ming-Na Wen. À vouloir dépoussiérer l’iconique tueur à gages de La Guerre des étoiles, Le Livre de Boba Fett n’aura fait que rendre celui-ci encore plus anecdotique qu’il ne l’était déjà. Constamment éclipsé par ceux qui le secondent, dépossédé de son histoire, littéralement mis au placard pour deux épisodes et replacé in extremis devant la caméra pour le grand final : peut-être aurait-il mieux valu le laisser dans la gueule du Sarlacc, dévoré par une odieuse créature tentaculaire mais préservé de l’humiliation. À l’évidence, il faudra dorénavant compter sur Din Djarin, le Mandalorien interprété par Pedro Pascal, pour que Star Wars ne souffre de la redite – ou pire, banalise bêtement ses mythes.