Buzz l’Éclair, il était une fois Buzz [Critique]

Entre le préquel méta et le film de science-fiction divertissant, Buzz l’Éclair incarne un nouveau genre de spin-off.
Après s’être échoué avec son équipage sur une planète inconnue et dangereuse, Buzz l’Éclair, ranger de l’espace, tente de ramener tout le monde à la maison. L’arrivée de Zurg et son armée de robots ne va pas lui simplifier la tâche.
Pixar avait pourtant fait la promesse de ne plus produire de suites à ses succès, mais rien n’y fait : les jouets de Toy Story ne peuvent rester dans leur coffre. Par deux fois, le studio nous a fait le coup des adieux. D’abord avec un troisième opus fabuleux, chef d’œuvre parmi les plus émouvants du cinéma d’animation, puis avec un quatrième qui envoyait miraculeusement valdinguer son étiquette du « film de trop ». Si le format jouet est lui abandonné, la saga s’agrandit avec un spin-off finaud. Buzz l’Éclair y garde le premier rôle, mais le public n’a plus affaire à la figurine articulée qui fit se dresser les poils de toute une chambre d’enfant. Dans ce nouveau projet, le ranger de l’espace est bel et bien un ranger de l’espace, de ceux qui patrouillent dans l’univers à bord de navettes supersoniques, découpent de l’alien et consignent leurs exploits (dans les moindres détails) à leur journal de bord. Précisément ce que pensait être la version jouet en se réveillant chez Andy. Cette lecture au premier degré de l’histoire du super-astronaute débouche sur un pur film de science-fiction, divertissant, rythmé et rempli à ras bord de références au genre. L’intrigue se raccroche d’emblée à Star Wars (le souffle épique), Interstellar (le paradoxe temporel), Starship Troopers (les bêtes voraces) et 2001 : L’odyssée de l’espace (le vol spatial psychédélique) pour couvrir ses arrières, et brode la suite à partir de l’introduction trépidante de Toy Story 2. Pas si distant des films originaux, donc, Buzz l’Éclair s’y branche via son contexte méta : dans la diégèse, il s’agit du blockbuster qui a inspiré la gamme de jouets. Le long-métrage légitime de cette manière les multiples échos à la saga (le protagoniste récupère sa quête existentielle à base d’ouverture sur le monde) et replace la licence à l’aune de son héritage pop-culturel. Le studio, réputé pour l’imprévisibilité de ses propositions de cinéma, repense les intérêts du spin-off en tant que tel, non plus objet intermédiaire généré mathématiquement pour les fans (comme le conçoivent Marvel Studios et Lucasfilm, entre autres) mais œuvre dérivée consciente d’elle-même et de l’imaginaire collectif.
Entre deux plans piqués à George Lucas, Buzz l’Éclair tisse une trame loin d’être aussi originale que son approche. Angus MacLane, derrière le court-métrage Mini Buzz et Le Monde de Dory, fait s’écraser le ranger éponyme sur une planète hostile et force sa collaboration avec une bande de bras cassés afin de réchapper à son (futur) ennemi juré. Une formule éculée que le réalisateur ne se fatigue pas à réviser. Heureusement, le film d’animation compte son lot de trouvailles vivifiantes, tel un chat-robot adorable dont l’utilité surpasse bizarrement son incroyable taux de mignonnerie et dont les répliques poilantes ne gênent en rien une action voulue généreuse. Le flux d’explosions et de pirouettes spatiales, renouvelé sans cesse et couplé à une animation épatante de détails, fait de cet opus l’un des plus stimulants distribués par Disney. De surcroît, MacLane met à profit cette excursion dans les étoiles (quatorze ans après que Wall-E soit passé par là) pour jauger l’abnégation du héros, de prime abord non moins formaté que son double miniature, mais également pour bredouiller quelques jolis messages sur le temps qui passe et le sens des priorités, dans les traces du spirituel Soul et de Là-Haut. En version originale, le ton solennel de Chris Evans contribue à la crédibilité de cette escapade mouvementée et de son instigateur, son timbre parfaitement accordé aux manières d’un Buzz rajeuni. L’acteur répète la droiture de son Captain America face aux géniaux Keke Palmer, James Brolin et Taika Waititi (décidément de tous les projets chez Disney). La magie fait instantanément effet. Alors certes, ce Buzz l’Éclair n’a pas le quart du poids émotionnel de ses aînés, ni le tiers de leur intelligence thématique, mais il justifie son existence en recalibrant sa mythologie à chaque nouvelle scène, dès que s’ouvre une nouvelle porte, vers l’infini. Il se pourrait que le long-métrage soit le tremplin d’une série inédite, ce que suggère ses scènes post-crédits, mais aussi d’un nouveau genre de spin-off, moins préquel et plus méta. Le génie Pixar, trop longtemps écarté des salles de cinéma et condamné à Disney+, pourrait encore faire des petits…