Sound of Metal, dans l’oreille du sourd [Critique]

Riz Ahmed incarne un batteur frappé par la surdité dans Sound of Metal, premier film confrontant le spectateur à la détresse engendrée par le handicap.
Ruben et Lou forment un couple à la ville comme sur scène, passant d’une ville à une autre entre deux concerts. Un jour, Ruben n’entend plus qu’un faible bourdonnement et un médecin lui annonce qu’il sera bientôt sourd. Le musicien va devoir prendre une décision qui changera sa vie à jamais.
Originellement docu-fiction planifiée par Derek Cianfrance, qui désirait baser son projet sur un couple de musiciens existants, Sound of Metal tombe finalement dans les mains de Darius Marder, co-scénariste et assistant réalisateur de Cianfrance sur The Place Beyond the Pines. Le récit d’un batteur dévoué à sa musique convoque presque instinctivement le souvenir de Whiplash, où Damien Chazelle contait le parcours d’un élève torturé par son professeur perfectionniste et sadique, mais le film de Marder se présente comme son antithèse, une œuvre anti-musicale qui transforme le bruit strident d’une guitare électrique en un bourdonnement incessant. Le cinéaste creuse le fossé dès l’ouverture du film. Riz Ahmed se dévoile derrière ses tambours, suintant et cheveux décolorés, frappant des peaux tendues à peine éclairées. Puis le matin, son aurore automnale, son silence écrasant. Il n’est plus question de musicalité mais de sons, et du poids de leur absence. Outre deux concerts, phases révélatrices pour le protagoniste et son handicap soudain, le long-métrage glisse du spectacle immodéré au sondage de l’homme, introspectif, immersif et bouleversant. Sound of Metal est un pur drame, qui part de l’individu pour toucher des thèmes universels et sociétaux, n’apportant de solution miracle aux personnages – il n’en existe pas –, mais favorisant une approche sobre et ouverte du sujet.
L’histoire de Sound of Metal est celle d’une renaissance. D’un homme que l’on dépouille progressivement, de son ouïe, de sa compagne, de son foyer. Ruben doit donner un sens à sa vie, et son voyage n’est pas seulement celui d’un musicien qui désire recouvrer la scène mais celui d’une reconstruction, par la communauté et soi-même. Le film ne manque pas d’instants de grâce, éparpillés tout du long et justifié par un travail du son sidérant, opéra de bruissements et échos restituant les perceptions du protagoniste. En lieu et place de morceaux rock qui auraient eu facile d’accompagner le scénario, Marder et ses ingénieurs convertissent les décibels environnantes et partagent l’expérience avec le spectateur. Le choc de la rupture s’amplifie – le retour à la réalité est souvent terrassant – à mesure que Ruben gagne en empathie, puisque l’audience ressent (et entend) le traumatisme. Le titre y prend tout son sens : le « métal » détermine la ligne de départ et d’arrivée.
Réalisation sobre et photographie naturaliste font la forme d’un long-métrage qui doit énormément à ses comédiens. Riz Ahmed, repéré dans Night Call et Rogue One, rachète le détour foireux qu’était Venom en composant un personnage résilient et tiraillé, le tout avec brio. Sa dulcinée à l’écran n’est pas en reste : Olivia Cooke (Bates Motel, Ready Player One) cultive de vives émotions.