Sans un bruit 2, le silence est d’or [Critique]

Trois ans après le succès monstrueux du premier film, John Krasinski prouve qu’il est toujours le roi du silence avec une suite de qualité supérieure.
Après les événements mortels survenus dans sa maison, la famille Abbott doit faire face au monde extérieur. Ils vont découvrir que les créatures qui rôdent ne sont pas la seule menace à prendre en compte.
Qui donc avait vu venir Sans un bruit ? Issu de l’imaginaire de l’acteur John Krasinki, héros espiègle du show comique The Office, le long-métrage se posait comme l’héritier minimaliste du classique Alien – le vaisseau et Sigourney Weaver en moins – déroulé avec une efficacité redoutable. Mais à la différence du film de Ridley Scott, qui placardait son inoubliable « personne ne vous entendra crier », les hurlements ont trouvé une oreille. Et certainement la pire. Ici, le monstre chasse le son et les personnages doivent faire profil bas pour espérer survivre. Un concept superbement géré et un succès financier plus tard, le metteur en scène rempile pour un second volume simplement nommé Sans un bruit 2, qui distend la périphérie du survival fantastique. Le coin tranquille du titre original n’est plus et la petite famille Abbott, père disparu et nouveau-né dans les bras, doit fouiller les environs pour bâtir un nouveau foyer. La famille, Krasinski la maintient au cœur de son script, mais les turbulences du précédent volet, accentuées par un prologue tendu à en décrocher les accoudoirs, l’amène à changer d’angle. Il incombe aux mômes de s’émanciper dans cet univers post-apocalyptique, d’assumer l’héritage du paternel, et cela passe par la division du groupe – et donc de l’intrigue. Le réalisateur s’adonne à un exercice audacieux de superposition en accumulant les strates de tension, les sursauts et malices du hors-champ, agencé par un montage savamment pensé auquel la mise en scène répond sans faillir. Si le Sans un bruit originel découlait déjà d’une totale compréhension de la grammaire cinématographique, il va de soi que Krasinski a affûté ses armes d’un opus à l’autre. Sa réalisation se veut plus spectaculaire, carabinée et retorse, perpétuant ces inconditionnels instants de frayeurs extra-terrestres et les répits crépusculaires qui s’en suivent.
Ouvert à des horizons et protagonistes neufs, le long-métrage évite de recycler – avec un concept aussi marqué, le risque était considérable – et axe son mouvement sur l’accroissement, se soustrayant (dans une moindre mesure) aux visages du premier chapitre, présents mais dont la partition a perdu en intérêt. Mère et fils mis de côté, la caméra se passionne pour un attachant tandem de baroudeurs amateurs. Cillian Murphy, entre une saison de Peaky Blinders et un tournage chez Christopher Nolan, occupe l’espace de son charisme prégnant, joint aux talents précoces de Millicent Simmonds, sur laquelle l’histoire repose majoritairement. La gamine et l’ex-voisin des Abbott forment un soubassement émotionnel et dramatique consistant, couple dépareillé de tueurs d’aliens. Difficile de ici nier l’influence du jeu vidéo The Last of Us sur cette suite qui s’approprie ses personnages (parent meurtri et enfant miracle) et leurs liaisons, ses enjeux et son atmosphère pesante, ses trajectoires et son bestiaire flippant. Le format concis, calqué sur son prédécesseur, préserve le film de l’égarement mais l’oblige également à jeter la plupart de ses pistes et user de raccourcis surprenants – quid des autres survivants, des pêcheurs terrifiants ? Paradoxalement, Sans un bruit 2 rallonge son monde sans s’attarder sur ses rouages rouillés, et son empressement vient régulièrement culbuter notre curiosité. Peut-être pour laisser de la marge à une troisième partie se dessinant déjà, comme le confirme Emily Blunt qui reviendrait logiquement conclure la trilogie de son époux.