Ava, Jessica Chastain embourbée [Critique]

Dans les pas de Luc Besson, Tate Taylor fait de Jessica Chastain une tueuse en galère. Un ratage qui n’augure rien de bon pour la comédienne et productrice.
Ava Faulkner travaille pour une organisation d’opérations secrètes, parcourant le monde pour exécuter des contrats de hauts profils. À la suite d’une mission ratée, Ava devient une cible à abattre et va devoir lutter pour sa propre survie.
Qu’est-il arrivé à Jessica Chastain ? Neuf ans après La Couleur des sentiments, dont elle retira une nomination aux Oscars, la voilà baignant dans l’eau croupie des blockbusters miteux, passée par Le Chasseur et la reine des glaces et X-Men : Dark Phoenix – tout deux forment un sommet d’insipidité rarement atteint. C’est dans la lignée de ces dérapages récents que l’actrice de Zero Dark Thirty intègre Ava, thriller d’espionnage joliment emballé par Netflix. Héritier des récréations bessoniennes, dont Taken et le fiasco Anna sont les exemples réputés, le film de Tate Taylor ne risque malheureusement pas de changer la donne. L’on y suit l’histoire d’une tueuse professionnelle aux antécédents fâcheux, boulonnée par un travail oppressant et une vie de famille déplorable. Bicéphale puisque jumelant l’action et le drame personnel, le long-métrage ne tire aucune force de la combinaison, et pire, souffre du manque d’équilibre. Entre les foirades pistolet au poing et la maladresse d’une réunion sororale, Taylor a du mal à trancher, autant qu’il frissonne à l’idée de s’extraire du ramassis de clichés dans lequel stagne son récit.
Côté cascades, ce duplicata de Red Sparrow est à la ramasse. Tenu de couper tout plan excédant les deux secondes, Ava ressasse l’atroce souvenir de Taken 3 et son montage épileptique, ce qui nuit fatalement à l’appréciation des cascades. À peine mieux réalisé qu’une publicité automobile pour monospace, le film n’éveille qu’une frustration difficilement rattrapable face au casting qu’il aura réussi à coaliser. John Malkovich joue au patron froid mais amical comme il a l’habitude de le faire, Geena Davis débite ses répliques d’un ton dédaigneux, Colin Farrell fronce les sourcils : l’apparat froissé d’anciens rôles coltiné sans entrain. Quant à la tête d’affiche, également productrice, toute la bonne volonté mise en œuvre ne transforme pas un script catastrophique et le rôle-titre s’en retrouve aussi vain que le reste. Chastain a l’allure, le regard, le phrasé. Là n’est pas le problème. Ses scènes portées sur l’émotion, avant qu’elles ne s’enlisent dans la surenchère, laissent entrevoir que tout n’est pas perdu pour la merveilleuse comédienne de Crimson Peak et The Three of Life.
Netflix accueille à bras ouvert un énième produit dépouillé en ce début du mois de décembre, quelques jours avant l’événement Mank – retour de David Fincher au format long. Ava ravira probablement les fanatiques de la plateforme, qui visionnent par million ce qu’on leur sert tant qu’on y embranche un grand nom. Pour l’heure, le film est une tâche de plus sur une carrière pourtant bien partie, et que l’on espère sincèrement voir se rehausser à l’aide de bonnes collaborations. Moins de fanfaronnades décérébrées serait une solution.