Les Animaux Fantastiques : Les Secrets de Dumbledore, cafouillage chez les sorciers [Critique]

Le monde des sorciers rouvre ses portes pour un troisième film Les Animaux Fantastiques, qui mêle bestiaire imaginaire et trame historico-politique non sans difficulté.
Face à l’ascension rapide de Gellert Grindelwald, Albus Dumbledore réunit une équipe de sorciers et sorcières intrépides pour combattre les forces grandissantes de son ancien partenaire.
Le premier volet des Animaux Fantastiques prenait le risque de s’écarter de Poudlard et de remonter le temps, avec pour seule préoccupation la capture de créatures magiques à la façon d’un jeu Pokémon dans le New-York brumeux des années 1920. La joute contre celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom était remplacée par les investigations d’un (magi)zoologiste tendre et asocial, héros malgré lui de cette nouvelle branche de la franchise Harry Potter… avant que cette dernière ne vire de bord dès l’épisode suivant. Les Crimes de Grindelwald, film long mais photographié avec soin, fit revenir Albus Dumbledore, son école et les intrigues absconses qui gravitent autour, jetant aux oubliettes le safari qui fut promis, comme si la plume de J. K. Rowling ne pouvait faire le deuil de ses personnages et recoins cultes. Après avoir essuyé moult reports et quelques intempéries fâcheuses (tel le départ forcé de Johnny Depp), le spin-off reprend d’assaut les salles obscures pour sa troisième itération, dont le titre ne camoufle même plus son insatiable besoin d’être raccroché aux sept romans (et huit films) originaux. Nommé Les Secrets de Dumbledore et réalisé par le vétéran David Yates – aux manettes depuis L’Ordre du Phénix –, le blockbuster entretient une schizophrénie qui crève les yeux. Il réinjecte les bestioles imaginaires au cœur du processus, là pour divertir les fétichistes de la mignonnerie et dynamiser le script avec de l’action dépaysante. Il plante également ses griffes dans un contexte géopolitique tintamarresque et déroulé avec pesanteur, duquel il pompe la meilleure portion de ses enjeux. Il ambitionne enfin de résoudre les conflits amoureux brouillonnés lors du dernier film, et dont la nature extra-futile n’est aucunement compensée. En clair : un opus surchargé, plus joyeux que son aîné mais tout aussi mal échafaudé et n’assumant qu’à demi-mot sa direction. Si Nobert Dragonneau tient encore un rôle prééminent dans ce récit de magiciens à l’ego surdimensionné, lui, ses danses farfelues et sa valise bourrée d’animaux exotiques s’évaporent subitement quand surgit le Dumbledore de Jude Law, tout d’assurance et d’omniscience. Et ce n’est pas faute de bafouilles et de diversions narratives. Rowling, épaulée par le scénariste historique Steve Kloves, redistribue les cartes à plusieurs reprises, dilue son scénario avec un monceau de dialogues et autant de personnages inconsistants, mais rien n’y fait : le patron de Poudlard et ses tourments sentimentaux déséquilibrent le blockbuster.
Cette suite a cependant le mérite de faire prévaloir les entourloupes politiciennes aux concours de baguettes magiques. Dans cette optique, elle met à contribution la figure machiavélique de Gellert Grindelwald, orateur adroit qui ferait passer Voldemort pour un bambin turbulent, et croque les prémices de la Seconde Guerre mondiale – au point de ramener la caméra en Allemagne pour une paire de scènes. Son laïus politique est certes exempt de subtilité, mais Les Animaux Fantastiques peut au moins se targuer d’un antagoniste persuasif, tangible et magnétique, à qui Mads Mikkelsen insuffle un charme typiquement européen. Cela n’efface pas les tares d’un scénario qui se flatte de recourir à la confusion, par soif d’être malicieux (une prétention héritée des Crimes de Grindelwald), pour ensuite se prendre les pieds dans le tapis. Les Secrets de Dumbledore, cloué par les erreurs des précédents opus, entreprend dérisoirement de colmater les brèches et de déplier ses nouvelles péripéties simultanément. Peu avantagés par un rythme arbitraire, ce sont des pans scénaristiques entiers qui s’effondrent sous les incohérences et les raccourcis stupides. Le film se donne même la peine de clore les parcours de Croyance, Jacob et compagnie alors que les quatrièmes et cinquièmes opus sont dans les cartons. Une décision qui sent l’aveu d’échec à plein nez. Le spin-off, prophétisé comme l’actuelle poule aux œufs d’or de Warner Bros, a vraisemblablement explosé en plein vol, cantonné à son fan-service, son enrobage grisâtre, ses polémiques et ses trois bêtes en images de synthèse. Pas sûr que tout ceci ressorte du placard sous l’escalier.