Brutus vs César, n’est pas Astier qui veut [Critique]

En se frottant au péplum comique, Kheiron se prend violemment les pieds dans le tapis. Bien plus Astérix aux Jeux Olympiques que Kaamelott.
En réponse à la tyrannie de Jules César, les sénateurs Rufus et Cassius fomentent un complot pour l’assassiner. Pour mener à bien cette opération risquée et dans le but de gagner le soutien du peuple, ils décident d’engager Brutus, le fils renié de César.
N’est pas Alexandre Astier qui veut. Pourtant, Kheiron veille scrupuleusement à réunir les ingrédients qui firent le succès du programme M6 dédié aux légendes arthuriennes : casting hétéroclite et fourni, contexte historique marqué et l’envie de moquer gentiment ses grandes figures. Seulement, là où le génie Astier parvenait à cerner ses protagonistes au détour de dialogues piquants et rebondissements bienvenus, point de départ d’une fresque à tendance épique – qui s’illustrera prochainement sur grand écran –, le réalisateur de Nous trois ou rien tombe dans les travers de la comédie facile, bourrée à craquer de sketchs absurdes et ridicules, vilainement étirés sur une heure et demi qui en paraît le double. Les Nouvelles Aventures d’Aladin, montagne de médiocrité, n’est pas loin.
Kheiron se donne manifestement les moyens de réussir, passé deux réalisations urbaines à échelle réduite. Venu investir Ouarzazate, site marocain prisé par les productions américaines – Ridley Scott et Zack Snyder y ont notamment tourné Gladiator et Batman v Superman –, l’humoriste soigne ses décors et costumes pour une immersion fonctionnelle. S’il prend plaisir à joindre les anachronismes (le casting ferait bondir n’importe quel historien), le metteur en scène s’approprie l’esthétique sableuse du genre, dispose de plateaux et accessoires tangibles. Mais l’intention ne suffit pas. Caméra en mains, Kheiron ne saisit jamais le gigantesque des lieux, peine à imposer une quelconque forme d’épique et se contente, probablement par défaut, d’additionner frénétiquement les ralentis poussifs et autres procédés comiques obsolètes. Rares sont les scènes d’action à jouir d’une telle grossièreté, enfoncées par un montage aux limites du supportable. L’on en ressort avec l’impression désagréable d’un gâchis à la française, qu’un œil expérimenté aurait pu (au moins) sublimer de plans accrocheurs.
Il manque à Brutus vs César une histoire qui permettrait à cette distribution drapée de tuniques romaines, armures et toges gauloises de briller (un minimum) et donner vie aux faciès de l’Antiquité, incarner davantage qu’un nom sur une affiche promotionnelle. À vouloir sortir de sa zone de confort – ce qui, en soit, est un acte respectable –, Kheiron démontre ici qu’il n’a pas la maturité ni l’expérience requise pour transformer ses nobles ambitions en œuvre concluante. Éparse et déséquilibrée, son aventure historique s’effondre à mesure que son héros traverse péripéties convenues et situations ringardes. Si suite il y a (la conclusion va dans ce sens), mieux faudrait-il collaborer à l’écriture ou patienter, le temps d’échafauder l’héritier inespéré d’Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre et de voir Alexandre Astier conclure sa saga au cinéma, et ce en trois opus (fermement attendus).