Star Wars : pourquoi faut-il regarder The Clone Wars ?

Miracle : annulée depuis 2013, la série d’animation The Clone Wars ressuscite sur la plateforme Disney+. L’occasion de revenir sur ce spin-off indispensable de la saga Star Wars.
Série d’animation créée par George Lucas, diffusée de 2008 à 2013 sur la chaîne américaine Cartoon Network, Star Wars : The Clone Wars plante son intrigue entre les Épisodes II et III, retraçant le conflit qui oppose la République galactique et les Séparatistes. Embarqués dans ce combat déterminant, Jedi, clones, droïdes et Sith s’affrontent dans toute la galaxie.
The Clone Wars n’est pas la première série à passer au crible cette période de l’univers Star Wars. En effet, Lucas s’était déjà penché sur le sujet avec Clone Wars, série d’animation 2D confiée à Genndy Tartakovsky – à qui l’on doit Le Laboratoire de Dexter, Samuraï Jack et Hôtel Transylvanie. Les deux œuvres, bien que complémentaires, ne s’épanouissent pourtant pas dans la même chronologie (en dépit des nombreux éléments partagés).
Le retour de personnages adorés, la qualité de ses rebondissements, le soin porté à la mythologie de Lucas : qu’est-ce qui fait la saveur du programme télévisé au point de s’avérer capital à la saga ? Aux réponses, le temps est.
De bonne guerre

« La guerre des clones ». Déjà en 1977, alors que le grand public découvrait à peine Luke Skywalker et Ben Kenobi, les échos de cet événement tragique de la galaxie Star Wars se firent entendre. Pourtant au cœur de la prélogie, calé entre deux épisodes, le conflit fut éludé par le générique déroulant de La Revanche des Sith, laissant (encore une fois) le soin au spectateur de s’imaginer tout ce qui pu conduire l’Ordre Jedi à mourir, l’Empereur à s’emparer pernicieusement du pouvoir, Anakin Skywalker a cédé si rapidement au côté obscur et à la rébellion de naître. Avec sa série d’animation, George Lucas allait répondre à ce fantasme de fans et consolider, pour de bon, une trilogie qui en avait besoin.
Pour mettre en branle son projet, Lucas fait le choix de se tourner vers une nouvelle génération de créateurs. Il souhaite ainsi faire souffler un vent de fraîcheur sur la licence, quitte à remettre en question sa philosophie de Star Wars – une décision des plus surprenantes lorsque l’on connaît le goût du cinéaste pour le contrôle. Ce dernier fait appel à Dave Filoni, un ancien de la série Avatar, le dernier maître de l’air passionné par les récits de la guerre des étoiles, qui sera nommé showrunner du programme. Lui et Lucas plancheront activement sur The Clone Wars avec un objectif précis en tête : combler les lacunes des préquels en leur accordant profondeur et cohérence. C’est sur cette voie que Filoni se montrera le plus prolifique.
Le premier point sur lequel le showrunner va intervenir est le conflit en lui-même, cette fameuse lutte armée qui tiraille le cosmos de part et d’autre. Pour se faire, il divise la série en arcs narratifs définis par les missions incombant aux protagonistes. Au fil des aventures de nos héros (ou non, d’ailleurs), les batailles qui se livrent donnent consistance et conséquence aux événements, en plus d’enrichir (dans une moindre mesure) un réel contexte politique, ce à quoi George Lucas avait particulièrement tenu en s’attaquant à la seconde trilogie. Simplifiée, pour maintenir un rythme trépidant et éviter d’alourdir l’intrigue, la dimension politique se voit étoffer au gré des rencontres, des personnalités croisées, des acteurs de la guerre qui en tirent souffrance ou profit. À l’évidence, le show ne se mue pas en House of Cards spatial, n’ayant aucune prétention sur ce terrain, mais il conserve et entretient un pan de Star Wars que son créateur considère primordial, le rendant plus accessible et nuancé que jamais.
Des personnages comblés

Le renforcement du contexte, soudainement plus nuancé et traité dans toute sa largeur, permet naturellement d’en densifier les protagonistes, allant jusqu’à expliciter les raccourcis emprunté par les longs-métrages. À la manière d’un Rogue One, en somme, qui justifiait ingénieusement la destruction aisée d’une station aussi invulnérable que l’Étoile Noire. En ce sens, le cas Anakin Skywalker est un bon échantillon du pouvoir bénéfique de The Clone Wars.
Au visionnage de L’Attaque des clones, l’apprenti Jedi manifeste une frustration certaine à l’égard de ses responsabilités, de l’amour et de sa formation. C’est un jeune homme impulsif, détestant le sable (séquence inoubliable) et prêt à outrepasser les règles qu’on lui impose. On le retrouve trois ans plus tard dans La Revanche des Sith, devenu Chevalier Jedi, toujours déterminé mais également assagi, déchiré par la peur de perdre sa chère et tendre. Son basculement du côté obscur est inévitable, mais lorsqu’il s’opère, l’on ne peut que s’interroger sur la facilité du processus. Pourquoi ne faut-il que trois minutes à Anakin pour embrasser une carrière de Seigneur Sith, renonçant de ce fait à toutes ses croyances ? La transition est abrupte, ne manque pas de cohérence mais de subtilité, et se considérerait presque comme un point négatif à l’encontre du troisième opus. Une faille corrigée par les équipes de Dave Filoni.
À travers ses croisades aux confins de la galaxie, Anakin va présenter tous les signes d’un futur basculement, de l’effondrement de ses repères – une désillusion qui sera parfois saisissante – au poids anxiogène d’une prophétie dans laquelle on l’a enfermé. Le padawan frustré devient un guerrier puissant, laissant fréquemment sa colère prendre le pas, conscient de la fragilité de son couple mis à mal par la guerre ou d’autres intervenants, et de la vanité de ses pairs : une addition de variables qui permet d’appréhender le basculement et justifie son choix dans l’Episode III. Ce n’était que la conséquence d’une longue et lente chute dans les ténèbres.
The Clone Wars s’est permis de creuser les deux camps (côté obscur et lumineux) auxquels les scénaristes prêtent des interprétations pointues. Si quelques nuances furent apportées au sein des films, George Lucas a toujours présenté ses chevaliers Jedi comme des sages respectables, emplis de noblesse et finalement victimes de Palpatine et ses manigances. Filoni décide de leur accorder un traitement différent : celui d’hommes et femmes transformés par un conflit terrible. Les Jedi conservent – du moins, dans un premier temps – l’aura des honorables marionnettes de Lucas, puis la guerre s’empare d’eux, les confinant dans un traumatisme bouleversant (lié à la perte de leurs proches) ou les transformant en généraux impitoyables et orgueilleux. Comment les adeptes d’une religion prônant la paix traversent une période de crise aussi épouvantable ? C’est la question que s’est posée le showrunner et à laquelle il répond avec justesse et pertinence – une démarche qui amorce, par ailleurs, les désillusions d’Anakin Skywalker.

L’impact des hostilités n’épargne personne, pas même les soldats forgés pour cet exercice. Les clones de la République font plus que donner leur nom à l’affrontement. Ils sont, pour la série d’animation, des acteurs de premier plan. Leur entraînement, la complicité qui germe, l’expérience du front : The Clone Wars prend le temps de dessiner le quotidien des soldats, leur progression personnelle au travers des intempéries. L’Attaque des clones et La Revanche des Sith les présentaient tels des droïdes améliorés, armés et formatés, omettant le fait qu’ils ne soient pas des machines. En tirant profit de ses expériences et des épreuves endurés, le clone se distingue de son camarade, et chacun développe une personnalité unique. Cela ne l’extrait pas de son bataillon, avec lequel il fait corps, mais cela en fait un individu, et par extension, un personnage. La tragédie de l’Ordre 66 n’en est que renforcée.
Filoni s’attarde aussi à corriger le tir des antagonistes déchus et redore le blason de l’un d’entre eux, devenu culte malgré son apparition furtive. Dark Maul est ressuscité (les raisons restent floues), et le show lui octroie une place luxueuse au sein de l’intrigue. Mieux encore : il en saisit le plein potentiel et lui confie la position qu’il mérite, celle d’un vilain éminent, dont le règne surpasse les dix minutes de présence dans La Menace Fantôme. Un Sith charismatique, enragé et déterminé – il s’oppose à des armées entières sans sourciller –, débarrassé de sa misérable condition de porte-flingue et capable de chambouler la dramaturgie complète. Ce que The Clone Wars a fait de meilleur le concerne, qu’il en soit l’acteur principal ou intermédiaire. La revanche du Sith est passionante.
Étoiles dérivées

The Clone Wars ne se cantonne pas à son rôle de complément de la prélogie, objectif qu’il atteint amplement : la série se dresse comme un spin-off accompli, une extension favorable à la franchise. La mission des Jedi, la multiplication des points de vues et la croissance de la guerre permettent l’exploration de nouveaux lieux, Star Wars regorgeant de planètes à découvrir. L’escapade des protagonistes s’adapte aux espaces inédits, s’articulant autour d’un concept lié à l’environnement et la culture rencontrée. Quête dans les profondeurs d’une base océanique, escalade d’une station enneigée, accrochage dans une cité envahie par l’ennemi : le programme multiplie les décors, sans renier les plus mythiques, de Naboo à Coruscant. The Clone Wars entretient sa diversité – un univers tel que Star Wars est une aubaine – garantissant un dépaysement total à chaque saison et confirmant que la saga jouit d’un potentiel inépuisable. Des peuples jusque-là méconnus du grand public se dévoilent et couvrent une partie non-négligeable du récit, notamment les Mandaloriens – dont est issu le héros de la série éponyme – au rôle décisif dans la guerre des clones.
Si toutefois il ne devait subsister qu’un seul ingrédient, Ahsoka Tano serait le choix le plus judicieux. Apprentie Jedi confiée à Anakin Skywalker dans l’optique de responsabiliser l’élu de la Force, la jeune femme marche dans les pas de son maître, téméraire et indisciplinée, et lui offre la possibilité de s’améliorer en tant que tuteur et futur père. Leurs similitude et la dynamique du tandem l’amène à nouer un lien profond, si bien que les action de l’un influent sur celles de l’autre. Anakin perd ainsi sa position habituelle d’élève impudent pour devenir un protecteur vigilant, accentuant drastiquement sa peur de perdre ceux auxquels il est attaché. Ahsoka mène également ses propres aventures, ne se limitant pas à la sublimation des personnages environnants. Au cœur de péripéties cruciales, qu’elle sillonne résolument, elle cristallise l’essence de la série. Une enfant que l’on jette dans des batailles démesurées, amusante, attachante, creusant les brèches d’un système, d’une institution respectée. Ahsoka Tano, c’est un regard neuf sur Star Wars, si fructueux qu’elle fit son retour dans l’autre série d’animation 3D, Star Wars Rebels.

Il convient malgré tout de contraster ces nombreuses qualités, car The Clone Wars n’est pas infaillible. Les premières saisons forment un concentré d’enfantillages peu pertinent et extrêmement simpliste. Un frein crédible pour quiconque serait désireux de découvrir ce que cache le générique déroulant de l’Episode III. Il aura fallu deux saisons aux scénaristes pour trouver leur voie, peaufiner une animation 3D au design audacieux (elle renvoie à des pantins en bois). Deux saisons qui souffrent d’être le prototype des suivantes, et qu’il faut surpasser pour entrevoir ce qui fait la force du show. Des épisodes faibles, la série en est malheureusement parsemée (à petite dose), des récits étranges où le spectateur est amené à suivre le pire du bestiaire de Lucas (Jar Jar Binks en tête de liste), certainement conçus pour satisfaire les jeunes téléspectateurs. Le calvaire s’estompe, à mesure que The Clone Wars se poursuit et le script assume son contexte hautement sérieux et sinistre. Il arrive que la série s’égare, mais les intempéries demeurent de courtes durées. L’ordre hasardeux des épisodes et l’humour, propre aux droïdes mascottes de la licence, sont des défauts récurrents, mais contrebalancés aisément par des arcs dantesques.
Conclusion
Sous son aspect enfantin et ses quelques fêlures, The Clone Wars traite son sujet avec brio. La série, guidée par des artistes ayant à cœur de densifier la prélogie de George Lucas, détourne ses failles, les convertit en arguments sérieux. Politique et action pure se mêlent dans une dynamique entraînante, confirmant le gigantesque potentiel d’une tel chaos au sein de cette galaxie lointaine, très lointaine. Via ses apports et son exploitation de Star Wars, The Clone Wars se révèle rapidement primordial, d’autant plus aux yeux des détracteurs des films. Annoncée pour février 2020, la septième saison devrait remplir son rôle de transition, surélevant les enjeux avant la dantesque Revanche des Sith. La conclusion méritée, il semblerait.