Mindhunter (Saison 2), toujours implacable [Critique]

Octobre 2017. Netflix crée l’événement avec une série policière produite par Charlize Theron et David Fincher. Mindhunter, basé sur un ouvrage du même nom et inspiré des travaux de véritables agents du FBI, est diffusé sur la plateforme de streaming. La série se place dès lors sur les mêmes rails que Zodiac avec ses enquêteurs déterminés et tourmentés.
Dans les années 1980, les affaires du département des sciences comportementales deviennent le fer de lance du Bureau Fédéral d’Investigation. Riches de moyens décuplés, les agents Ford et Tench approfondissent leurs recherches, tandis que leurs problèmes personnels se développent.
La première saison de Mindhunter était une franche réussite grâce à son écriture rigoureuse et une mise en scène particulièrement sophistiquée. L’histoire de ces deux enquêteurs qui interrogent les plus grands tueurs en série de leur époque (et de tous les temps) était passionnante et démarrait sans encombre, encadrée par des personnes de talent. Maintenant que la machine est lancée et que les présentations sont faites, le show trouve sa voie au travers d’une deuxième saison toujours aussi maîtrisée, se permettant même d’explorer des pistes inédites pour notre duo d’agents fédéraux.
La rencontre des protagonistes et des criminels faisaient le cœur de la série. Holden Ford et Bill Tench parcouraient des centaines de kilomètres pour étudier les monstres de l’Amérique, tenter de les déchiffrer et établir une méthode d’appréhension. Les débuts du profilage, en somme. Les longues discussions que ce travail occasionnait s’avéraient aussi glauques qu’exaltantes. Serties de dialogues (ou monologues) puissants, les séquences d’interviews avaient fini par se faire attendre à chaque épisode. Là où d’autres programmes misent sur l’action pour séduire, Mindhunter prenait le contre-pied, se hissant au sommet de par le verbe. La deuxième saison voit cet aspect se transformer, évoluer vers une voie plus classique. Des sessions de questions-réponses, la série en propose toujours (il serait dommage de s’en passer). Seulement, elles ne forment plus la voie principale, mais un axe parallèle. La formule est devenue plus conventionnelle, plaçant les personnages sur une longue enquête, à l’instar d’autres histoires du même registre (True Detective, pour citer le meilleur exemple).

Ce changement entraîne un nouvel équilibre scénaristique, qui jusqu’ici ne reposait que sur le travail acharné des deux hommes. Le cadre professionnel réduit (mais non moins intense), le show peut se concentrer sur l’intimité de ses héros, chose restée secondaire dans la saison précédente. Au cours des nouveaux épisodes, les personnages gagnent en développement, trouvent des intrigues pertinentes et poignantes, rivalisant avec la maestria de l’enquête. Bill Tench est le protagoniste qui en ressort grand gagnant, père de famille à qui l’on offre un récit sombre, émouvant et profond. L’on peut également noter la romance de Wendy Carr, psychologue épaulant le FBI, mise sur un même pied d’égalité, ce qui apportera un peu plus d’épaisseur à la femme. Holden Ford paraît (étrangement) mis sur le côté, et ce pour une raison simple : son arc personnel embrasse plus que jamais son parcours professionnel. La frontière entre travail et vie privée s’affinent au fil des épisodes, engendrant d’inévitables failles. Pour une saison chargée de faire progresser les personnages en dehors de leurs uniformes, elle les ramène continuellement aux démons qu’ils analysent, comme une fatalité qui les aspirerait où qu’ils aillent. Cela trouve son apogée avec Brian Tench, fils de Bill, qui emprunte une terrible voie (l’idée du mal se logeant dans le foyer, lieu symbolique de la sécurité).
La ville d’Atlanta est la place forte de la seconde saison, couvrant la majorité des épisodes. Intelligemment amenée, cette intrigue demande le meilleur du duo d’agents. Aussi éreintante pour Ford et Tench que pour le spectateur, l’affaire du tueur d’Atlanta se base sur le sentiment frustration, un domaine déjà exploré par David Fincher (producteur et réalisateur) dans ses meilleurs ouvrages. Rien n’équivaut au sentiment d’impuissance qui s’en dégage, une émotion prédominante au cours des neufs épisodes proposés. La consternation est d’autant plus grande qu’elle suit une promesse d’évolution, faite par Ted Gunn, superviseur de l’équipe. La saison se vit donc comme un périple exténuant, où justice et vérité semblent s’éteindre peu à peu. Mindhunter ne jouit pas que d’une écriture implacable : le travail de réalisation est brillant. Rien d’étonnant quand on sait que le réalisateur de Seven se tient derrière la caméra pour la plupart des épisodes. David Fincher, dont le perfectionnisme est réputé, conçoit des images frappantes. L’atmosphère est lourde, les teintes sont ternes. Seul le jaunâtre des lumières vient souligner les traits des personnages. L’ensemble visuel est d’une précision chirurgicale, assisté d’une ambiance musicale appelant à la tension. Ne comptez pas sur de grands thèmes musicaux : comme pour le reste, la série fait dans la sobriété et favorise lenteur et pesanteur à rythme et énergie.
Le show Netflix peut compter sur son casting infaillible. Du timide et déterminé Ford à l’épouvantable Ed Kemper, chaque rôle trouve un comédien à la hauteur, au point qu’il devient difficile de ne pas croire en la véracité de cette histoire. Mindhunter pousse d’ailleurs le réalisme si loin que les producteurs veillent à la ressemblance entre les criminels de la fiction et ceux de la réalité. Une preuve supplémentaire de la minutie qui flotte au dessus de l’œuvre. Dans le prolongement de ses débuts remarquables, la deuxième saison de Mindhunter passe le cap (souvent difficile) du rebond, sans témoigner de la moindre faiblesse. Jon Penhall, le showrunner, a disposé soigneusement ses pions pour la suite de la partie, prêt à prolonger l’expérience de manière significative. Une bonne chose pour la plateforme qui l’héberge comme pour les passionnés de scénarios macabres.