Super Mario Bros., adaptation champi-réussie [Critique]

Super Mario Bros. compile les niveaux cultes du jeu vidéo pour un divertissement haut en couleur, bourré de fan-service et aux personnages attachants.
Mario et son frère Luigi, tous deux plombiers, se retrouvent plongés dans un univers féerique à travers un mystérieux conduit. Mais lorsque les deux sont séparés, Mario s’engage dans une aventure pour retrouver son frère.
Peut-on encore croire aux bonnes adaptations de jeu vidéo ? Récemment, c’est celle de The Last of Us pour la télévision qui relançait le débat, et si la série HBO s’en est tirée avec les honneurs et de facto constitue une réponse encourageante, les cas de Sonic 2, Tomb Raider, Assassin’s Creed et Uncharted pèsent encore lourdement dans la balance. Les japonais de chez Nintendo participent aujourd’hui à cette discussion épineuse avec un projet d’ampleur : un long-métrage d’animation estampillé Super Mario Bros., basé sur leur célèbre mascotte à casquette rouge et moustache saillante. Co-produit par les studios Illumination (les responsables de Moi, moche et méchants et ses dérivés), le film ne fait évidemment pas suite au dessin animé obscur sorti en 1983, ni au nanar live-action monté dix ans plus tard, mais se présente comme l’entame d’une nouvelle aventure, retraçant la naissance du personnage tel que les joueurs le connaissent, avant que celui-ci ne s’engouffre gaiement dans les tuyaux verts d’un univers garni de champignons géants, de plantes carnivores et de carapaces à esquiver. Pas encore amoureux de la princesse Peach, ni familier avec les blocs et les pouvoirs qu’ils confèrent, mais déjà affublé d’un frangin froussard, le héros en salopette est ici introduit en tant que jeune plombier italo-américain, ambitieux de se faire connaître à Brooklyn en s’attaquant aux plus gros soucis de canalisation. Dessein modeste pour une icône du jeu vidéo vieille de quarante ans. Et il s’y applique avec détermination, jusqu’à ce qu’il franchisse la mauvaise passerelle interdimensionnelle, qu’il se retrouve téléporté au Royaume Champignon et que son frère Luigi se fasse capturer par l’abominable Bowser. « Ce n’est pas une publicité, c’est du cinéma », annonce l’un des personnages plus tôt dans le film, des étoiles dans les yeux, pendant qu’une borne d’arcade Jumpman clignote en fond. C’est tout l’objectif artistique derrière cet énorme blockbuster animé : supplanter sa qualité de produit d’appel en se pliant aux codes du divertissement de cinéma.
Pour mener à bien leur besogne, Aaron Horvath et Michael Jelenic (auteurs de la formidable série Teen Titans Go!) récupèrent les mécaniques de jeu emblématiques de la licence – course de kart sur arc-en-ciel, combat en arène fermée, plateformes suspendues et déguisement de chat compris – et comptent sur leur imbrication pour broder un récit digne de ce nom. Dans la pure tradition des titres Nintendo, lesquels s’appuient sur leur jouabilité universelle et l’accessibilité de leurs franchises, Super Mario Bros. ne joue pas moins la carte du tsunami de références (visuelles, sonores et textuelles) que celle d’une narration épurée, exposant chacun des niveaux comme une étape logique du chemin – ou un terrain d’entraînement et d’émerveillement obligatoire, façon didacticiel. Les protagonistes y perdent leur statut d’avatar au bénéfice d’une caractérisation concrète, accrochés à des traits rudimentaires mais attachants, et (re)bondissent avec une énergie hallucinante au long de ces parcours vertigineux, ludiques et bien connus des fans, balises d’un spectacle haut en couleur tirant vers le burlesque. Non exempt de défauts, à commencer par son scénario sommaire et sa propension à s’effacer derrière sa bande originale tapageuse, le long-métrage argue néanmoins de jolies intentions, comme celle de transvaser la persévérance du joueur (celui qui ne lâche pas la manette avant d’avoir terminé sa partie) au protagoniste, créant un pont métaphorique et émotionnel entre le public et sa vedette moustachu, ou encore celle d’inclure la vélocité du personnage au cœur de poursuites cinématographiques ressuscitant Buster Keaton et les déflagrations de Mad Max.
Une autre de ses remarquables réussites tient dans le personnage de Bowser (interprété par l’inimitable Jack Black en version originale), tortue colérique et ennemi historique de Mario, dont les activités romantiques (qu’il aime à décrire en chanson) sont aussi hilarantes que sa violence stupéfie, diffusant une menace terrifiante et dangereuse comme on en voit rarement dans le genre. Cette violence, le film la décuple une fois revenu au monde réel, aux rues de Brooklyn, où les frères plombiers ne sont pas des super-héros, où il ne suffit pas de croquer dans un légume pour que les ecchymoses disparaissent. Un bref rappel du distinguo entre la réalité et le macrocosme enchanté de Super Mario, comme pour se donner bonne conscience, en fin de compte refoulé pour laisser place à une ultime séquence de baston tout droit sortie de Dragon Ball, durant laquelle l’animation photo-réaliste s’imprègne de la puissance évocatrice des légendes du jeu vidéo. L’apothéose d’un circuit généreux en loopings, au fond convenu mais parcouru d’une passion qui crève le cadre.