Venom : Let There Be Carnage, bouffonnerie gluante [Critique]

Le monstre visqueux et fidèle ennemi de Spider-Man revient sous la caméra d’Andy Serkis. Indigeste et crétin, Venom : Let There Be Carnage est un ratage consternant.
Un an après avoir affronté Riot, Eddy Brock cohabite toujours avec le symbiote Venom. Dans l’espoir de relancer sa carrière de journaliste, il se rend en prison pour rencontrer un célèbre tueur en série, Cletus Kasady.
Le succès stratosphérique de Venom fait partie de ces anomalies que l’on ne s’explique pas. Inscrit dans un univers cinématographique voué aux vilains de Spider-Man – et qui se dispense invraisemblablement de celui-ci –, le film de Ruben Fleischer accumulait les déceptions. De la prestation ravagée de Tom Hardy à l’exploitation ringarde du symbiote, sans omettre sa gestion obscure du montage et autres instruments techniques, la seconde apparition du méchant Marvel au cinéma – après le mal-aimé Spider-Man 3 de Sam Raimi – n’avait strictement rien d’amusant, si ce n’est sa substance nanardesque que Fleischer n’assumait qu’à moitié. Et voilà qu’Andy Serkis, le bonhomme connu pour avoir campé Gollum et King Kong chez Peter Jackson, reprend l’affaire et s’obstine à suivre les traces de Green Lantern et Elektra au rayon des splendides étrons super-héroïques. L’entièreté de ce Venom : Let There Be Carnage pourrait se résumer à ce doigt d’honneur numérique adressé à l’écran, alors que l’extraterrestre éponyme quitte la scène après son dixième craquage nerveux : un dégueulis d’images de synthèse potentiellement cynique, projeté à la face du spectateur venu se goinfrer de pop-corn devant la dernière adaptation Marvel. Cette suite n’a même pas pour elle cette générosité bête mais récréative du blockbuster nanar, qui permettrait (au moins) de rire de tout ce gaspillage de moyens et de talents (supposés). Elle n’est qu’un ramassis d’incohérences, de raccourcis fumeux, de saynètes puantes et d’acteurs au bout du rouleau, une farce à cent millions de dollars.
Tom Hardy, l’homme physique de Mad Max : Fury Road et Dunkerque, le comédien génial de Peaky Blinders et The Revenant, le visage déchirant de Locke et Bronson, est porté disparu. Dans la peau du journaliste Eddy Brock, il grogne et boude, cloîtré d’office dans les cabinets pour une querelle conjugale avec son colocataire gluant. Le film n’est que ça : la chamaille d’un homme sentimentalement paumé et son ami venu d’ailleurs, tournée comme une comédie romantique avec ses étapes-clés, ses pointes de violence tiède, ficelée en une heure et demie. Andy Serkis détourne la totalité des paramètres du premier opus vers un summum de bouffonnerie, un niveau de paresse et de stupidité rarement atteint dans une production de ce calibre. Sa trame se passe de cohérence, donne les réponses sans poser de questions, utilise le malaise comme ressort comique – la scène des homards du volet précédent est ici égalée. Quant au fameux Carnage, adversaire pervers de l’homme-araignée, porté pour la première fois sur grand écran, il ne compte aucune arme aussi accablante que la voix(-off) de Venom qui résonne sans répit dans la tête d’Eddy. L’alien est moins justicier que commentateur de l’extrême ne pouvant résister au jeu de la petite blague facile et grasse, usant de l’insulte pour ponctuer ses répliques crétines et tuant le drame dans l’œuf sous prétexte de divertir le public. La cerise sur un gâteau indigeste, même pas sauvé par sa scène post-générique qui suppose un croisement de licences dont personne ne veut – pas même Kevin Feige. Le pire serait que le Venom de Sony contamine ses cousins comme le ferait un cancer.