Black Widow, mission périmée [Critique]

La quatrième phase du Marvel Cinematic Universe débute avec Black Widow, premier (et seul) film centré sur la plus ordinaire des Avengers. Un blockbuster aussi dispensable qu’on pouvait le craindre.
Natasha Romanoff, plus connue sous le nom de Black Widow et membre des Avengers, voit ressurgir une part sombre de son passé, l’obligeant à renouer avec ses activités d’espionne et liens brisés.
Cela fait deux ans que Marvel Studios recalibre son calendrier dans l’attente d’une pleine exploitation des salles de cinéma. En effet, depuis Spider-Man : Far From Home et la conclusion de « la saga de l’Infini », les Avengers n’ont pu se dégourdir sur écran géant – et récolter les milliards de dollars habituels. Point final du blocus, Black Widow marque le retour de ces géants du divertissement mais également le lancement de la quatrième phase du Marvel Cinematic Universe, enfin débarrassé de Thanos et ses maudites pierres cosmiques. Pour la saga, il s’agit du premier projet (presque) entièrement porté par la super-espionne Natasha Romanoff, présente dès Iron Man 2 et fermement maintenue au second plan malgré la prestance hypnotique de Scarlett Johansson, une absurdité que les équipes de Kevin Feige jugeait nécessaire de corriger suite à la disparition du personnage dans Avengers : Endgame. Pas de résurrection surprise ici, mais un film-flashback prenant place juste après les événements de Captain America : Civil War, alors que Romanoff fuit les autorités et requiert le soutien de sa famille – celle attribuée par un programme soviétique on ne peut plus cliché. Le blockbuster se retrouve dépourvu d’êtres surhumains, se satisfait de quelques combattants robustes (mais toujours en collants) et arrange ainsi sa propre autonomie : du grand spectacle marvelien, plus proche du thriller d’espionnage que de la bagarre interstellaire. Sur cette voie, le film de Cate Shortland pompe ce qui se fait usuellement, de l’ouverture frénétique sur fond de Nirvana (un sacrilège) aux indémodables tremblements de la shaky cam, ravivant le souvenir douloureux de productions estampillées Luc Besson et leur montage anarchique. Ce qui partait comme un humble dérivé semblable aux courses d’un 007 termine sa chute dans un océan de surenchères bouffonnes où le sens et l’information se désintègrent, collés à un sous-propos féministe que Captain Marvel n’aurait osé arborer.
Cette bravade fastidieuse, bien que divertissante pour son flux ininterrompu d’action, n’existe que pour introniser sa fournée de personnages inédits, cellule familiale dysfonctionnelle incluant un Captain America russe et bonimenteur, une scientifique à l’instinct maternelle et la (probable) future Black Widow, prête à rempiler pour dix ans de shows super-héroïques. Au milieu des tôles froissées et cascades numériques inégales, Florence Pugh fait une guerrière intimidante que l’on retrouvera avec plaisir aux côtés d’autres porteurs de capes. L’actrice britannique, reconnue mondialement suite au Midsommar d’Ari Aster, arrive à temps : la pauvre Scarlett Johansson présente tous les signes d’un profond désintérêt, comme lessivée des services passés dans l’ombre des figures masculines du Marvel Cinematic Universe. Trop longtemps exclu, son personnage méritait sans doute mieux qu’une dernière galère à la poursuite d’un vilain déjà oublié, adieu révoltant pour celle qui avait su tirer son épingle du jeu lors des dernières confrontations avec le Titan fou. Agencé autour des liens du sang, ce que son ouverture sert convenablement, Black Widow ne vient en aucun cas épaissir sa tête d’affiche – ce qui n’était pas si indispensable que ça – mais assure toutefois la transition vers la prochaine génération, ce que s’entêtait à faire le précédent chapitre de Spider-Man. Plus épisode secondaire que production digne de l’icône féminine des comics.