Les Nouveaux Mutants, sursaut d’une saga à l’agonie [Critique]

Les Nouveaux Mutants clôture la franchise X-Men, à l’agonie depuis plusieurs années, avec un spin-off plus réjouissant que le pâlot Dark Phoenix.
Retenus contre leur volonté dans un mystérieux hôpital psychiatrique, quatre jeunes mutants sont pris en charge par le Dr Cecilia Reyes. Cette dernière les surveille attentivement et leur apprend à maîtriser leurs pouvoirs afin d’oublier les graves erreurs commises dans le passé.
Sa production tumultueuse et ses moult reports laissaient penser que Les Nouveaux Mutants (à l’origine premier opus d’une trilogie) ne trouverait jamais sa place en salles, probablement condamné à une sortie sur Disney+. Josh Boone peut souffler : son film a bien eu droit aux grands écrans de cinéma, mais à quel prix ? À l’arrivée, le blockbuster coche toutes les cases du film dépouillé par ses producteurs, assassiné sur une table de montage. Les Nouveaux Mutants n’a donc pas survécu à sa gestation houleuse. Épouvante mielleuse, drame gentillet, fantastique banal : ce que le long-métrage conçoit est instantanément vidé de sa substance. Chaque décision contredit la précédente ou l’empêche de germer convenablement. De temps à autre, Boone réveille son audience en usant de procédés classiques (on passera sur les jumpscares enfantins) ou en élaborant des pistes ambiguës et énigmatiques, mais l’ensemble, lissé à l’extrême, manque cruellement de radicalité et d’audace.
Sage à en devenir frustrant, le blockbuster renie la fougue de ses personnages adolescents et se positionne tranquillement sur des rails convenus, à l’extrême opposé de ce que suggérait son synopsis attrayant (un remake obscur du X-Men originel). À défaut de développer par soi-même, le réalisateur s’applique dans la citation. Il n’éprouve aucun mal à réciter ses références, s’amuse des similitudes sans en tirer la moindre leçon. Comme si paraphraser était l’unique recours. Ainsi, les fantômes de Vol au-dessus d’un nid de coucou, Glass et Logan (pour évoquer les principaux) arpentent les couloirs de cette grande demeure, une présence qui réconforte autant qu’elle interroge. Paradoxal qu’un spin-off qui revendique sa distance avec ses aînés ne rayonne qu’en leur contact.

À tant invoquer, le cinéaste délaisse la mythologie propre de son œuvre. Rien (ou presque) ne transparaît de ses images, pas même ses concepts horrifiques marqués. Compter sur la mise en scène se révèle, par ailleurs, particulièrement vain. Alors, l’on se rattache aux rejetons du Breakfast Club, aux débats sur la place des X-Men et aux plans calqués sur d’autres, plus mythiques. Sans surprise, le cinéaste n’a guère l’aisance d’un Quentin Tarantino qui, de sa culture foisonnante et ses fascinations innombrables, fait jaillir un récit foncièrement original. Les Nouveaux Mutants penche plutôt vers l’inverse. Le film puise néanmoins sa force dans une de ses composantes capitales : le groupe. Avec une once d’inventivité, le script établit de vives connexions entre les camarades mutants et trouve dans leurs interactions un moteur consistant pour faire avancer l’intrigue. Sur les traces de Bryan Singer – qui aura définitivement apposé sa marque sur l’entièreté de la saga –, Josh Boone prend plaisir à reconstituer l’arrivée de Wolverine à l’Institut Xavier et, conservant l’angle de l’émerveillement, s’en sert pour établir les rapports. Idée prolifique, le metteur en scène prévoit de révéler ces jeunes visages par le biais de séquences effrayantes, utilisant l’horreur comme outil d’étude pour ses protagonistes. L’exécution lui porte préjudice, maintenue en surface, mais l’aboutissement sert positivement le récit.
Ici, nul mutant griffu, télépathe chauve ou diable bleu. L’initiative, détournée des codes super-héroïques, est plus modeste : faire le portrait d’adolescents mal dans leur peau. Les Nouveaux Mutants renoue, après les envolées épiques (et maladroites) de X-Men : Apocalypse et Dark Phoenix, avec une dimension humaine, essentielle à la licence. L’équipe comprend son lot d’individus étrangers, aux origines et parcours divers, liés par leur don – et la malédiction qu’il cristallise. Mis à mal par une écriture grossière transformant ces garnements en caricature de lycéens américains, il n’en demeure pas moins que le collectif dégage une franche sympathie, nourri par un casting prometteur. Connus des téléspectateurs et corrects dans leur rôle respectif, Charlie Heaton (Stranger Things), Maisie Williams (Game of Thrones) et Henry Zaga (13 Reasons Why) tendent la main à la novice Blu Hunt, légèrement effacée. Personne ne semble autant s’amuser qu’Anya Taylor-Joy, actrice britannique consolidant une carrière déjà bien remplie (de The Witch à Peaky Blinders), armée d’une épée magique et d’un ton nonchalant au possible. La voici qui fracasse du démon et chatouille du dragon.
Trituré sur la table de montage, voué à l’échec en cette période trouble, l’histoire du long-métrage de Josh Boone a tout l’air d’une pure tragédie. Spin-off acceptable, bien qu’il se révèle indigne de son héritage, Les Nouveaux Mutants nous fait regretter le doux temps de X-Men 2, où Bryan Singer empilait les scènes d’anthologie avec générosité et ambition, tout en semant les graines du cinéma de super-héros pour les décennies à venir.