The Walking Dead (Saison 10), série en décomposition [Critique]

En léthargie depuis de nombreuses années, The Walking Dead a laborieusement traîné son intrigue au long d’une dixième saison, complétée de six épisodes bonus.
L’attaque des Chuchoteurs ayant fait plusieurs victimes, Michonne, Daryl et les autres survivants sont désireux de se venger. L’aide de Negan, ancien ennemi du groupe de Rick Grimes, pourrait être décisive.
Que reste-t-il de The Walking Dead ? Une dizaine de saisons depuis son lancement sur petit écran, la question caresse amèrement les consciences et si l’on sait que le programme s’achèvera (enfin) au terme d’une onzième grande garnison d’épisodes, voilà déjà six ans (pour les plus indulgents) qu’il patauge et se fatigue. Au commencement pourtant, le sérieux de mise prédisait un futur glorieux au show de la chaîne AMC – la même qui a produit Mad Men et Breaking Bad. Une distribution solide, une mise en scène réfléchie (que l’on doit à Frank Darabont, père de La Ligne Verte) et le postulat brillant, bien que peu récent, de privilégier la psychologie des vivants aux déambulations de ceux qui ne le sont plus. La structure s’est progressivement effritée, succombant au manque flagrant d’inspiration et à un divorce douloureux avec le comic book originel, ne pouvant que déboucher sur une dixième saison difforme et fragile. La série a fini par ressembler à ses revenants : une entité boiteuse, souvenir d’un autre temps plus agréable, défiguré par les années.
Carol, Daryl et Michonne, derniers rescapés de l’ère Darabont, luttent encore contre une intrigue qui leur veut du mal, laminés à tour de rôle. Le propos a évolué, perdu toute sa finesse au fil des tentatives brumeuses, des arcs narratifs rallongés et abscons, des factions ennemies aussi peu persuasives que leurs masques en latex. Les Chuchoteurs, antagonistes que tout lecteur ne pouvait que rêver de voir apparaître, se sont révélés n’être qu’une étape supplémentaire d’un (trop) long circuit, les scénaristes puisant dans les pages de Robert Kirkman sans en restituer l’intensité, l’intelligence ni même la violence graphique. L’abondante galerie de personnages, peu à peu remplacée par un empilement de coquilles creuses, est aujourd’hui baladée dans tous les sens pour simuler le progrès, camoufler la régression. Le show s’est même proposé de jouer les prolongations avec une poignée de chapitres bonus, tournés à la hâte, dont le point d’orgue est le retour de Maggie Green, sereinement dégagée du scénario lors de la neuvième saison. Six capsules à l’intérêt variable, qui tanguent entre la restauration d’une atmosphère disparue (appelé familièrement « le bon vieux temps ») et la perte de temps pure et simple. Un flashback poignant réservé au meilleur des protagoniste côtoie la course-poursuite d’un rongeur cerclé de zombies. Un summum d’amateurisme que la série n’avait jusque-là que rasé.
Malgré son agonie certaine, The Walking Dead profite toujours de ressources estimées inépuisables, tel le charisme insolent de Negan (la performance de Jeffrey Dean Morgan demeure jouissive), les traits renfrognés de Daryl (baroudeur invétéré) et autres seconds couteaux que la série n’a pas jugé bon de gommer. Le texte a beau l’esquinter, le casting reste digne, et son implication guillerette se discerne à des kilomètres à la ronde. La plupart ont déserté – Danai Gurira, comme Andrew Lincoln avant elle, a lâché l’affaire en milieu de saison – mais les incontournables survivants d’Alexandria se trémoussent toujours avec entrain sous les focales d’Angela Kang, collaboratrice de longue date fraîchement adoubée showrunner. La technique s’est d’ailleurs légèrement réinventée, les lieux retrouvant leurs couleurs automnales grâce à l’acquisition de caméras neuves. Ainsi, quelques relents des premières saisons imprègnent provisoirement la pellicule, faisant vibrer la corde nostalgique. Peut-être le signe d’un rebond, d’un final acceptable pour un programme vivant, mort, puis mort-vivant.