Une ode américaine, Ron Howard est (trop) sage [Critique]

Le père d’Appolo 13 adapte les mémoires de J. D. Vance, illustration du rêve américain à travers trois générations. Biopic d’un classicisme ennuyant.
Contraint de retourner chez lui suite à une affaire familiale, J. D. Vance retrouve tout ce qu’il avait tant voulu abandonner, dont le caractère explosif de sa mère. Mais ce retour aux sources lui fait comprendre que ses origines pourraient bien lui servir à construire son avenir.
Au cours d’une soirée chic et remplie d’enjeux pour notre protagoniste, coincé entre smokings et petits fours, la remarque de ses origines modestes instaure un malaise palpable. Ainsi Ron Howard délimite le périmètre de son histoire, chaussé d’énormes sabots. Pour accomplir son biopic à la portée sociale translucide – celui d’un étudiant à l’université de Yale ayant fui les Appalaches –, le réalisateur de Rush se réfère à une méthodologie scolaire, de celles qui font frétiller l’Académie chaque année. La forme, cumul de cadres et effets de montage prémâchés, atteste du conformisme imposé par Howard, plausiblement résolu à se rattraper du fiasco (pas si terrible) Solo : A Star Wars Story. Mais la quête des statuettes, proue irréfutable du projet distribué par Netflix, finit par lasser. Une ode américaine est trop sage, trop propre.
Le cinéaste se paye les talents d’Amy Adams, mis à disposition dans ce qui, on le suppose, devrait être le grand rôle du long-métrage. La comédienne, habituée au grimage depuis Vice, campe une mère violente, dévergondée et toxique, une boule de nerfs ambulante et (auto)destructrice. N’ayant nul difficulté à s’acclimater du tempérament furieux de son personnage, frôlant néanmoins l’outrance par intermittence, Adams apporte un peu de saveur au drame américain, redorant sa performance de quelques regards troublants. Réceptacle des tumeurs de sa petite ville de l’Ohio, pauvre et toxicomane, elle insémine la détresse dans l’organisme familial, telle la drogue qui parcourt son corps cabossé. Ron Howard se pose face à ce foyer agonique, dont les dysfonctionnements et crises intempestives ne sont que les conséquences et échos de ravages sociétaux. Une cellule qu’il convient de défendre malgré tout, répètent inlassablement ses membres. Mais édulcoré, loin d’être aussi tranchant que sa flopée de personnages, le portrait rase le hors-sujet.
La démarcation entre l’urbain et le rural n’est que renforcée par la narration elle-même, sautant d’une époque à l’autre par l’usage de flashbacks importuns, induisant de fait l’impact du passé sur le présent et l’incapacité de l’individu à s’extraire de son berceau. En parallèle, Howard fait état d’un rêve américain bien réel, accessible malgré les embûches. Tout juste dénonciatrice, la position du metteur en scène n’est guère éclairée par le désordre scénaristique. À cette double temporalité, fructueuse puis contraignante, mieux aurait-il fallu préférer la linéarité. Enfin, s’il en est une qui mérite de cueillir sa récompense, dans cette œuvre en définitive anecdotique, c’est bien Glenn Close, matriarche rigide qui calque le T-800 de James Cameron, un juron sur le bout de la langue.