Bob l’Éponge : Éponge en eaux troubles, beau mais prend l’eau [Critique]

Débarquée sur Netflix, la troisième échappée de Bob l’Éponge bouleverse ses codes esthétiques, pour une histoire un brin décevante.
La vie de Bob l’Éponge a tout d’un doux rêve, jusqu’au jour où celui-ci découvre que son compagnon de toujours, Gary l’escargot, a été kidnappé. Bob se lance alors à la recherche de son ami, accompagné de Patrick l’étoile de mer. Direction Atlantic City, cité perdue où séjourne le roi des profondeurs.
Plus tôt dans l’année, c’est l’équipe de Scooby-Doo qui s’était payée le luxe d’un lifting 3D, profitant de l’occasion pour brièvement retracer les origines de Mystères et Cie. Sur la même lancée, Bob l’Éponge retente l’expérience du format long – après quelques balbutiements –, armé d’une intrigue originale et d’une animation flambant neuve. Exit le trait habituel, les habitants de Bikini Bottom jouissent désormais de reliefs charmants, croisement entre la technique stop-motion et la CGI façon Disney. L’emballage, plaisant à l’œil, s’impose d’emblée comme un atout de taille, redéfinissant les contours d’espaces bien connus des téléspectateurs – le programme a récemment fêté ses deux décennies d’existence. La refonte est d’autant plus estimable qu’elle emboîte le pas à une direction artistique scintillante, dont le pinacle, lumineuse cité d’Atlantic City, ferait fantasmer les férus de Las Vegas.
Son animal de compagnie disparu, la plus célèbre éponge du petit écran traverse un scénario bondé de péripéties explosives. Valdinguant dans tous les sens, guidés par l’amitié (et la bêtise), nos héros se perdent précipitamment dans un ensemble d’actions si hétérogènes et déconnectées que la trame de fond – le sauvetage de l’escargot – s’oublie progressivement. Machinations de Plankton, saloon infesté de pirates zombies, jeux d’argent halluciné : la marmite déborde. L’impétuosité du déroulé rappelle toutefois l’atmosphère originelle, dans laquelle Bob évolue au gré de gags aléatoires et poussés à l’extrême. Et si l’on se plaît à retrouver la galerie de faciès insolites de Bikini Bottom, à qui le long-métrage réserve (au moins) un instant de gloire, l’absence de consistance entrave ce festival du rire. Pourtant, qui de mieux placé qu’un scénariste historique du show – et réalisateur d’un précédent volet – pour piloter le navire ?
Bob l’Éponge conserve ses tendances à l’absurde, misant sur l’innocence bête de ses protagonistes pour maintenir le cap. Le ratio de caméos invraisemblables – qui, de par sa récurrence, intègre définitivement la formule – est également respecté, proposant une vision cocasse de Keanu Reeves en botte d’herbes sèches. L’interprète de John Wick, sorte de Jésus hippie, prend visiblement du plaisir à soutenir Bob et Patrick dans leur périple, et il n’est pas la seule vedette à s’incruster dans cette ode à la fraternité perfectible mais entraînante. Le discours politique et social laissé sur le bord de la route, remplacé par une culture métap exacerbée, Bob l’Éponge : Éponge en eaux troubles pâtit d’un scénario téléphoné, mignon à craquer mais loin de se hisser au niveau de sa sublime animation.