Relic, famille en décrépitude [Critique]

Pour son premier film, la réalisatrice australienne Natalie Erika James incorpore le drame de la maladie au pouvoir menaçant de la maison hantée. Frissons et larmes vont de pair.
Suite à la disparition mystérieuse et inquiétante de sa mère, Kay et sa fille Sam regagnent la maison familiale en quête de réponses. Est-ce ses récurrentes pertes de mémoire qui ont eu raison de la matriarche disparue ou bien un mal plus profond ?
Mêler un drame intime à l’effroi est un procédé dont raffole le cinéma d’épouvante contemporain, nourri par une nouvelle génération d’auteurs, Ari Aster (et son traumatisant Hérédité) en tête de liste, et que l’on retrouve au cœur de Relic. La réalisatrice Natalie Erika James use de l’horreur comme d’une fenêtre donnant sur les dysfonctionnements d’une relation et les contorsions (littérales et métaphoriques) qui en résultent. Sous l’œil de sa caméra, trois générations se confrontent en espace réduit, éreintées par le silence des années, le poids insupportable des non-dits. Ainsi, la cellule familiale s’étudie au milieu des conifères, à l’ombre d’une demeure aux jaillissements putrides, captée comme un personnage à part entière, un monstre vivant et insatiable. Ses murs se rétractent ou se dilatent au gré séquences, selon l’état psychologique de ses hôtes. La maison hantée, nouveau modèle de thérapie.
L’intelligence du script réside en sa capacité à reconduire le mystère et redéfinir ses concepts horrifiques. La trame a beau jouir d’un climat asphyxiant à souhait, elle s’évertue à convertir la tendance, conduisant ce qui semblait être un film d’ambiance au délire fantastique total. La cinéaste maitrise parfaitement la grammaire du genre, tant qu’on pourrait lui reprocher de trop en respecter les préceptes. Mais sa rigidité se compense par une imagerie organique, viscérale et palpable, que la réalisatrice déploie crescendo. La décrépitude, thème de premier plan, touche lieux et chairs, soutenue par une photographie ténébreuse qui induit que le pourrissement progresse autant qu’il est inévitable. Un sentiment décuplé par l’utilisation de flashback à l’austérité tranchée. Et lorsque le bruit des lésions cesse, c’est au tour du dédale claustrophobe de prendre le relai. Une prison mentale qui retient nos héroïnes en proie à leur génétique, transformées en sombres silhouettes humanoïdes.
Piochant chez Darren Aronofsky (Mother!) et David Cronenberg (le travail sur les peaux et textures), Relic n’esquive quelques maladresses, liées aux transitions entre ses actes hétérogènes. Le revers d’une ambition ouvertement revendiquée, celle d’une Natalie Erika James affairée à son premier film. Plein de promesses, aussi pétrifiant pour sa gestion de l’oppression que pour son constat sociétal glaçant, le long-métrage pousse la démarche jusqu’à un dernier mouvement éloquent, où les pans symbolique et intime s’étreignent au son de nos tremblements.