The Walking Dead (saison 11), les mauvaises choses ont une fin [Critique]

Baisser de rideau pour The Walking Dead : la série meurt péniblement avec une onzième saison aussi laborieuse que les précédentes.
Après les retrouvailles tendues de Maggie et Negan, le groupe de survivants mené par Daryl croise la route d’une communauté bien plus vaste que la leur, et mieux équipée : le Commonwealth.
The Walking Dead, c’est terminé. La série de zombies s’est enfin résolue à cesser ses activités, non sans avoir traîné sa vilaine carcasse une dernière fois pour une vingtaine d’épisodes, onze ans après son lancement sous la houlette de Frank Darabont. Les choses ont bien changé depuis. Sa vedette a fichu le camp (mais reviendra tout de même dans l’un des nombreux spin-offs programmés), les décors ruraux ont été remplacés par des infrastructures simulant le monde d’avant-apocalypse, la psychologie des personnages n’est plus un sujet, à l’instar des morts-vivants, et les méchants sont pour la majorité fonctionnaires. Loin est le temps où The Walking Dead courrait après les films de George A. Romero en prenant la température d’une humanité aux abois, poussée dans ses derniers retranchements, et dont la vulnérabilité révélait sa nature exacte. Une étude excitante de ce qui fait (et défait) les civilisations, évincée saison après saison par des showrunners plus intéressés par le bon fonctionnement de leurs cliffhangers putassiers que par le désir de broder des intrigues solides. Nous voilà donc au terme d’une onzième saison aussi éprouvante, laborieuse et interminable que les deux précédentes, comptant quelques sursauts bien sentis et pistes thématiques pertinentes, mais trop fébriles pour survivre aux seaux d’incohérences, de dialogues ringards et de retournements gênants que leur jettent les scénaristes. La technique s’est pourtant rondement perfectionnée, la série arborant une nouvelle grammaire visuelle à base de focales courtes et d’éclairages soignés, en révisant sa colorimétrie et en laissant derrière elle toutes ses fioritures numériques qui parasitaient son image. Encourageant, mais complètement vain.
Il y a une part de réflexion amusante derrière l’arc du Commonwealth, cette communauté aux cinquante-mille membres (traduit par une douzaine de figurants à l’écran) qui rebâtit les kiosques, les bureaux et les tribunaux tels qu’ils étaient avant la fin du monde. Un retour à la normale qui ne se fait pas sans une pointe de cynisme. En repositionnant nos survivants dans un cadre urbain organisé et politisé, reproduisant les failles intrinsèquement liées au système (corruption, inégalités sociales, manipulation des masses etc.), ceux-ci semblent étriper le rêve américain de l’intérieur, mettant le feu à ces baraques synthétiques et à la niaiserie analogue. C’est aussi l’occasion de gamberger quant aux actions de nos personnages principaux, lesquels ne peuvent s’empêcher de semer la mort où qu’ils passent, de dessouder leurs voisins et leurs habitations, comme s’il ne devait subsister qu’une seule forme de survie, la leur. Un développement thématique que n’aurait pas renié Darabont, jumelant ce qu’il reste des protagonistes aux revenants boiteux à l’extérieur des remparts, décidément tous pourris et incurables.
On ne peut en dire autant des autres versants de la série qui, pour son ultime saison, ne s’est certainement pas passé de ses défauts inconditionnels. Si cette dernière a su se dépêtrer des Chuchoteurs, ces méchants travestis en cadavres ambulants, elle s’est empressée d’inventer un énième groupe de mercenaires siphonnés, un de ses vieux réflexes qui l’oblige à s’engourdir de personnages toujours plus nombreux, caricaturaux et inconsistants. Parmi ces nouveaux visages, un seul parvient à remonter le niveau : le machiavélique Lance Hornsby, simili-Littlefinger de Game of Thrones qui gravit les échelons avec un sourire malsain. Ses stratégies mesquines pimentent une conclusion qui n’en a pas l’air, molle, s’essayant momentanément au genre carcéral – qu’elle abandonne pour un remake de Plus belle la vie édition fin du monde – et qui ne s’autorise jamais, ô grand jamais, à être ambitieuse. The Walking Dead meurt dans un silence désarmant, à mille lieux de ses premières saisons et du phénomène qu’elles généraient, ses survivants ressassant leurs répliques en boucle ou spécifiant des banalités, certains disparaissant sans dire au revoir. Et ses quelques violons de dernière minute n’empêchent un constat amer : la série a manqué d’être une grande en s’étirant tel un cadavre traîné sur le bitume