Wonder Woman 1984, super-désastreux [Critique]

Gal Gadot et Patty Jenkins refont équipe pour la suite de Wonder Woman, film raté qui ferait presque regretter les mauvais Suicide Squad et Shazam!.
Depuis la fin de la Première Guerre mondiale, Diana Prince est restée parmi les humains, qu’elle secoure quotidiennement. Une pierre magique, découverte par hasard, va bousculer sa vie et celle de Barbara Ann Minerva, une collègue admirative.
Privée des salles obscures dans l’Hexagone, parachutée sur la plateforme HBO Max de l’autre côté de l’Atlantique, la plus célèbre des Amazones poursuit son petit bonhomme de chemin, quelques jours seulement après avoir fait des étincelles dans le Justice League ressuscité de Zack Snyder. Son premier film solo, plié aux standards de l’écurie Marvel bien que dérivé de Batman v Superman, se prolonge avec Wonder Woman 1984 qui soumet (une fois encore) la super-héroïne à un contexte de guerre (froide). Mais l’époque n’est plus celles des tranchées et des allemands nerveux. Diana Prince doit opérer à l’ère du capitalisme, des néons et des synthétiseurs, comme le précise finement le titre de l’opus. Un choix de cadre qui n’est pas sans rappeler Les Gardiens de la Galaxie ou Thor : Ragnarok, deux blockbusters totems du geste nostalgique qu’entretient l’industrie hollywoodienne depuis une paire d’années. Ses déclinaisons criardes ne se comptent plus.
À l’emphase propice à la période, Patty Jenkins préfère la fibre nanardesque. Son long-métrage, qu’elle décrit elle-même comme un projet autonome, se distingue des essais précédents par son degré insolite d’incohérence et une approche jobarde qui ferait passer le volet de 2016 pour un pensum philosophique. Son exposition gaillarde – signant un retour à l’enfance démonstratif –, ses séquences empruntées à Pretty Woman ou encore ses protagonistes parodiques sont autant de gouttes dans une marée de niaiserie, forme d’hommage naïf au Superman de Richard Donner. Et si l’on pensait pouvoir compter sur l’esprit guerrier et les dons surnaturels de l’héroïne, athlète rivalisant avec les dieux olympiques, ses talents se conforment ici aux débordements repoussants de laideur et insanités esthétiques : les chorégraphies sont lymphatiques, stimulées par un montage boucher et un découpage à peine correct. Jenkins balance sa caméra sans conviction, comme un refus ostentatoire au grandiose associé à son sujet, et sa mise en scène ne fait que border le néant qui balise ces péripéties assommantes. Subtilité évaporée, Wonder Woman 1984 ajoute ses propres règles et éléments imaginaires, seule manière de pourvoir l’intrigue d’enjeux émotionnels forts, repris directement du premier film. Les paramètres politiques, eux, sont restreints à une brève et factice mention quand tout incite à les traiter en priorité. Que de maladresse.
Embringuée dans cette farce à deux-cent millions de dollars, Gal Gadot garde la tête haute, elle qui a toujours fièrement revêtu la panoplie de Wonder Woman en relevant les connotations positives et féministes de son rôle – dépouillé et résumé à sa bonté caractéristique. Face à l’Amazone, Pedro Pascal, antagoniste bouffi succédant à Arès (rien que ça), se confond en palabres. Mais la palme de la ringardise revient à Cheetah, campée par une Kristen Wiig à côté de la plaque. Sans trop savoir comment ni pourquoi, le scénario conjoint ces deux antagonistes de l’univers DC, ne faisant que dilater un blockbuster déjà trop long et repoussant un générique final faisant l’effet d’une libération. Wonder Woman 1984 a cru bon de surfer sur la nostalgie, d’étaler ses discours (poussifs) d’émancipation et d’acceptation, de renouveler la gamme chromatique. À ce jeu là, Aquaman et Birds of Prey se sont montrés plus convenables.