WandaVision, ma Wanda bien-aimée [Critique]

Retour sous forme d’hommage à la sitcom, le Marvel Cinematic Universe change d’approche pour son arrivée sur Disney+. Entre prise de conscience et défouloir super-héroïque, WandaVision séduit.
Wanda Maximoff et Vision, deux super-héros faisant partie de l’équipe des Avengers, vivent dans une banlieue tranquille. Le couple commence à remettre en question la véracité de leur quotidien, idéal et donc suspect.
Le contexte nous a dispensé, un an durant, de tout produit Marvel Studios. Une halte synonyme de bouffée d’air sur un terrain saturé de milliardaires en armure, patriotes surhumains et aliens destructeurs de monde. Black Widow et autres suites officieuse du mastodonte Avengers : Endgame écartées, l’écurie Marvel plante son drapeau sur Disney+, repère neuf de Lucasfilm – qui traverse une période savoureuse grâce au triomphe de The Mandalorian – et Pixar, comptant tous deux multiplier les programmes à destination du petit écran. À l’aube de cette migration massive vers la plateforme, WandaVision inaugure l’engouffrement des Avengers vers le streaming, signant le grand retour du studio et la mise en lumière d’un couple de personnages jusqu’ici tertiaire à la franchise. Eux qui ont traversé les chamailles cosmiques (non sans y laisser quelques plumes) en esquivant les projecteurs sont aujourd’hui les vedettes de leur propre show, un condensé de mystère appelé à spécifier les enjeux des blockbusters qui suivront – le Doctor Strange de Sam Raimi et le prochain volet de Spider-Man, notamment. Mais plus insolite que d’accorder une dizaine d’épisodes aux seconds couteaux, le choix du format fit s’interroger : delirium innocent ou prise de conscience ? Des films Avengers aux plateaux de sitcom, le parallèle se remarque sans plisser les yeux. L’engouement générationnel, les retrouvailles enthousiastes et le principe de répétition sont des molécules substantielles à la prospérité des deux propositions. L’on moquait sardoniquement les opérations de Kevin Feige pour ce qu’elles empruntaient à la télévision, comme si l’aboutissement ne pouvait être qu’un débarquement direct dans les salons du monde entier. Ça n’a pas manqué.
Au creux de la vague nostalgique offerte par l’application des lois de la sitcom, WandaVision a communiqué ses véritables intentions. Il convient de franchir les rires enregistrés, les trucages et les interférences, étalés sur une palanquée d’épisodes, avant que le dispositif épouse son sujet. Derrière le divertissement d’époque ricochant de décennie en décennie et l’amas de clins d’œil, Marvel comble son fâcheux désintérêt pour la Sorcière Rouge, personnage d’importance dans les cases de comic books (elle est la source de l’arc House of M), négligée à l’écran au profit des pectoraux foudroyants de Thor et la répartie désopilante de Tony Stark. Six ans après L’ère d’Ultron, qui introduisait au chausse-pied le couple de super-héros, Wanda Maximoff jouit des faveurs de la plume et tient son développement sous forme d’introspection magique. Entre deux regards en direction de la caméra, dans la pure tradition de Malcolm ou The Office, la jeune sokovienne affronte le deuil de ses idéaux – la perte de son frère, puis celle de Vision –, le souvenir (et par extension, la nostalgie) converti en un élément antagonique pesant. Inattendu pour un univers cinématographique habitué à pulvériser les conséquences par une session de franche rigolade. La rupture, appuyée par le parti pris narratif, est déstabilisante.
Les tribulations de l’héroïne accouplées à l’énigme environnante – qui donc est à l’origine de cette effroyable et captivante machination ? – accouchent de tenants bien pensés, qu’il aurait (idéalement) fallu exposés préalablement mais qui trouvent aisément leur place dans l’intrigue. Quand il s’agit d’élucider les tares d’Endgame, la tournure s’avoue excitante, malgré une mise en scène peu inspirée – à peine mieux filmé qu’un Ant-Man – et un cortège de personnages secondaires plombants. Marvel renouvelle, par ailleurs, la tradition des super-vilains dérisoires. Heureusement pour nous (et nos précieux neurones), Elizabeth Olsen et Paul Bettany forment un ménage attachant et, l’on pouvait l’espérer, ensorcelant.