Les meilleurs films de 2020 [TOP]

Des voyages dans le temps – vers le vieil Hollywood, la Première Guerre mondiale ou la veille –, des familles dysfonctionnelles, des sessions alcooliques : 2020, du fait d’un contexte singulier, aura été une année de cinéma unique.
Voici notre sélection des dix meilleurs longs-métrages (et quelques mentions honorables) sortis dans les salles obscures, sur les plateformes ou directement dans les bacs à DVD.
LE TOP DE JACK :
Mentions honorables
- Dark Waters, de Todd Haynes
- La dernière vie de Simon, de Léo Karmann
- The King of Staten Island, de Judd Apatow
10. L’Adieu, de Lulu Wang

La ligne de départ prête à sourire, puisque basée sur une incompréhension générale qui tend à l’absurde, mais Lulu Wang ne tarde pas à colmater son postulat comique par la sensibilité troublante de ses personnages, endeuillés par anticipation. Mi-drame familial, mi-plaisanterie sociétale, L’Adieu s’engouffre dans le fossé des cultures, exposant la peine causée par le déracinement et la tendresse des souvenirs communs, seul lien subsistant entre des générations distancées par les années et les kilomètres. Avec ses doubles-sens à profusion, maquillés par les traditions ou nourris par l’errance, et une émotion vive, cette perle cinématographique est aussi raffinée qu’elle se montre moderne.
9. Light of my Life, de Casey Affleck

Probablement inspiré par l’expérience A Ghost Story, dans lequel il hantait les cadres fixes de David Lowery sous un grand drap blanc, Casey Affleck repasse derrière la caméra pour Light of my Life. Pour son film post-apocalyptique, le réalisateur (et acteur) fait disparaître les femmes de la surface de la Terre et se vêt en père vagabond, trainant sa fille (la seule, donc) à travers une Amérique forcément déboussolée. Comme Lowery, Affleck refuse le mouvement et soigne le cadre plus que tout autre élément, signant le (faux) remake naturaliste et minimaliste du jeu vidéo The Last of Us, une aventure initiative bouleversante, récit d’un père dont la pudeur est, sans l’ombre d’un doute, la plus grand force.
8. Madre, de Rodrigo Sorogoyen

Prolongement d’un court-métrage éreintant – devenu premier segment du long-métrage – où le sol se dérobe sous les pieds d’une mère dont on kidnappe l’enfant, Madre explore les errements d’une femme amoureuse d’un fantôme : celui de son fils, disparu dix ans plus tôt. Les focales de Sorogoyen, lorgnant du côté de Malick, étoffent la relation ambiguë d’un parent d’hier et d’un adulte de demain, une liaison aux contours volontairement floutés. Serti de plans-séquences intenses, desquels la détresse émane somptueusement, ce drame anatomise les nuances du deuil et de la maternité. La plage y fait figure de purgatoire sentimental.
7. Play, de Anthony Marciano

Le found-footage a quelque peu déserté les salles de cinéma après le raz-de-marée fumeux que provoqua Paranormal Activity et ses incalculables progénitures horrifiques. Anthony Marciano s’empare du principe de mémoire imprimée sur pellicule (ou carte SD), laissant ses objectifs à un enfant en pleine croissance. Play se veut ainsi catalogue d’instants, d’exclamations juvéniles, de faux pas saugrenus, de romances ébauchées, que le montage, plus malin qu’il n’y paraît, joint de manière précise et lucide. Dans le flot d’images, le réalisateur touche à l’universalité de l’amitié, de l’amour, de la jeunesse, s’armant de fait d’un important capital émotion.
6. Uncut Gems, de Benny Safdie et Josh Safdie

En l’espace de quelques années, les frères Safdie se sont faits les représentants d’un cinéma indépendant américain, et plus précisément new-yorkais, spécialisé dans la captation du chaos urbain. Uncut Gems, leur dernier film en date, confirme tout leur talent de représentation et d’investissement des lieux. Les deux frangins n’ont toujours pas quitté les quartiers de « Big Apple », transmuée en machine infernale et cacophonique, et bricolent une implacable ode au suspens sous couvert de thriller viscéral. Pour Adam Sandler, c’est l’opportunité de belles étincelles dans le rôle d’un parieur obsédé, embringué dans des magouilles sinistres. Un long-métrage anxiogène et, de fait, réussi.
5. Mank, de David Fincher

Un hiatus de six ans et une poignée de programmes Netflix plus tard, David Fincher concrétise un projet de longue date : adapter les écrits de son père Jack, dont un scénario retraçant la gestation du chef d’œuvre Citizen Kane. Enrobé d’un noir et blanc classieux, volonté parmi d’autres de renouer avec le grain de l’âge d’or hollywoodien, Mank joue la carte du réquisitoire enflammé, à l’opposé absolu du (très) nostalgique Once Upon a Time… in Hollywood. Sous les traits d’un auteur à contre-courant, Gary Oldman débite données politiques et sarcasmes taquins dans une curieuse, passionnante et sulfureuse ovation aux scénaristes, par celui qui n’a jamais rédigé.
Vous pouvez retrouver la critique du film ici.
4. Tenet, de Christopher Nolan

Avec Tenet, Christopher Nolan s’attaque au thriller d’espionnage à échelle mondiale, sorte de James Bond officieux faisant bondir ses héros d’un continent à l’autre, un mégalomane russe dans le viseur. Le réalisateur de Dunkerque, connu pour ses tirades à rallonge, fait ici le choix d’une action totale et prépondérante. Il emploie une histoire tarabiscotée de voyage dans le temps, dont il tait les mécanismes, y compris à ses personnages, pour propulser son spectateur dans un manège à sensations fortes. S’il ne s’agit pas de la révolution tant attendue, ni même de son meilleur boulot de metteur en scène, Tenet témoigne toutefois de l’expérience accumulée via ses blockbusters précédents, Nolan s’affirmant à nouveau comme un bon faiseur de grand spectacle.
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3. Soul, de Pete Docter

Là-haut, Coco, En Avant, désormais Soul : Pixar entretient une belle relation avec la mortalité et le deuil, comme si le thème (et ce qu’il suppose) figurait au cœur de la formule. Avec la même opiniâtreté que Vice-Versa (déjà signé Pete Docter), ambitieuse tentative de traduire l’intraduisible, l’écurie Pixar s’accoude à l’au-delà. Attestation de la toute-puissance du studio, en mesure d’exposer concepts indéchiffrables et quantiques en toute simplicité, jalonnés d’éclats esthétiques évocateurs, Soul – tristement privé d’une sortie en salles – siffle joyeusement la mélodie du bonheur. De quoi cogiter quant à l’existence et son but, se remémorer que le plaisir peut résider en d’anodines occasions.
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2. Drunk, de Thomas Vinterberg

Tient-on le Very Bad Trip danois, comédie potache qui profite du calvaire imbibé d’un groupe d’individus ? Thomas Vinterberg, auteur du percutant La Chasse, offre une traduction plus mesurée et humaine de l’éthylisme. Son film Drunk tient autant de l’aventure humaine que de l’étude sociologique. Non seulement d’hommes qui s’imposent la boisson – et repoussent, peu à peu, leurs limites – mais également d’une société qui fête l’alcool comme une habitude. Dans cette configuration, le réalisateur infuse la notion de lâcher-prise, de libération face à la banalité, à la monotonie. Pas d’ode à la déchéance, donc, mais bien à la joie du laisser-aller, à l’extase de se retrouver, désinhibé.
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1. 1917, de Sam Mendes

Inspiré par le travail immersif de Christopher Nolan sur Dunkerque, les travellings kubrickiens des Sentiers de la Gloire et les assises sensoriels du glaçant Requiem pour un massacre, Sam Mendes colle au train de deux jeunes soldats britanniques de la Première Guerre mondiale, à qui incombe une mission impossible. Pour en restituer toute l’intensité, ainsi que la bravoure et l’effort de ces anonymes, le cinéaste capte cet éprouvant périple en un unique plan-séquence, forçant la caméra à braver les mêmes dangers, les mêmes obstacles, mais aussi les mêmes instants lyriques que ses protagonistes. Le dispositif technique permet ainsi à 1917 d’invoquer par intermittence le tapage dantesque des détonations et la poésie délicate d’une silhouette découpée dans les flammes, en un mouvement continu. Quinze ans après Jarhead, son premier film de guerre, Mendes livre un morceau de cinéma immersif et divinement époustouflant.
Vous pouvez retrouver la critique du film ici.