The Clone Wars (Saison 7), Star Wars recouvre sa grandeur [Critique]

Son annulation soudaine fut une franche désolation pour les millions de téléspectateurs qui suivaient, avec curiosité et ferveur, les récits de la Guerre des Clones. Dave Filoni et ses équipes durent fermer boutique, décision faisant suite au développement de cinq saisons diffusées sur la chaîne américaine Cartoon Network. Et malgré une sixième salve d’épisodes, écourtée par le rachat de Lucasfilm, The Clone Wars n’allait bénéficier d’une conclusion convenable. À moins que la plateforme Disney+ envisage le contraire, dans l’optique d’aiguiser son catalogue…
Entamée trois ans plus tôt, le conflit opposant la République aux Séparatistes touche à son terme. Tandis que les généraux Jedi mènent les combats aux quatre coins de la galaxie, l’ancienne padawan Ahsoka Tano doit cacher son passé, jusqu’à ce que celui-ci la rattrape.
Lorsque la firme de Bob Iger proclama l’arrêt du show, d’innombrables aventures restaient à conter. Certaines d’entre elles eurent la chance d’être exposées sous diverses formes, parfois à l’état d’ébauche, mais l’insatisfaction culminait face au dénouement. À l’annonce surprenante – et ô combien savoureuse – du retour de la série, l’espoir d’un final acceptable resurgit.
Comme assagit par les années – probablement enrichi par ses multiples expériences spatiales –, Dave Filoni ravive une flamme que l’on croyait éteinte, une énergie dantesque et déchirante, source des plus braves instants de la saga cinématographique. Sa simultanéité avec La Revanche des Sith et sa maîtrise irréductible de l’action font de la septième saison un sommet d’émotion, une réussite (quasi-)totale.
Respectueuse des traditions, l’ultime saison se décompose en arcs distincts. De ce fait, les douze chapitres présentés se divisent en trois histoires. Des intrigues que l’on pourrait considérer dissociées, tant les tons divergent, mais qui dérivent d’une logique subtile – et définitivement fructueuse. Les péripéties d’une brigade infatigable, une affaire familiale orageuse et l’absolue désillusion : telles sont les sujets qu’exploite Filoni, attaché à l’idée de raccorder ses scénarios à celui de l’Episode III, sorti dans les salles obscures en 2005. Les heures originelles de The Clone Wars étaient jonchées d’éclaircies, de légèretés, qui rendaient l’essai bancal et périlleux – imposer l’humour dans un contexte obscur, intention contestable. Une faille à laquelle le spectateur ne se heurte plus, le programme délaissant ses disgrâces comiques au profit d’accents austères et dramatiques.
Les huit premiers épisodes (soit les deux arcs d’amorce) sont radicalement moins poignants et graves que ceux missionnés d’acheminer la conclusion. Le périple de l’escouade Bad Batch – bataillon hors norme de clones – et les altercations sororales des Martez sont plus simples, décomplexés, s’autorisant des minutes de pur divertissement. Les rebondissements se succèdent frénétiquement, à l’image d’arcs anciens, désormais lointains. Un épisode entier se révèle, par ailleurs, entièrement dédié au remplissage facile, porteur d’un mouvement entraînant mais foncièrement futile. Néanmoins, bien que la teneur de ces événements puissent paraître inconsistante, ces actes dessinent un tremplin robuste pour le suivant. En plaçant les soldats éponymes aux prémices de la saison, The Clone Wars rétablit ostensiblement le statut primordial de l’armée républicaine, elle qui causera l’avènement et la chute, la victoire et la défaite. La position de Rafa et Trace Martez, certes disproportionnée, étaye la vision du peuple, creuse les bas-fonds pour mieux décrire l’aura corrompue des Chevaliers Jedi. Ces chapitres, assurément imparfaits, ont le mérite de reconstituer l’échiquier. Pour mieux le renverser.

Promesse tenue, la série se joint à La Revanche des Sith, couvrant ses répercussions tragiques via un point de vue inédit. Qui de mieux placé que l’apprentie Ahsoka Tano, mascotte du show, héroïne des plus grands moments, pour retranscrire le carnage de l’Ordre 66 ? Avant cet épouvantable renversement, The Clone Wars illustre le siège de Mandalore, fabuleuse bataille visant à déloger l’immortel Maul, antagoniste culte imaginé par George Lucas. Une éloquente démonstration de force, durant laquelle le programme accumule les séquences épiques et démesurées, prouvant par la même occasion les progrès certains de l’animation. Le spectacle est d’autant plus percutant qu’il attise une poésie chaotique, un lyrisme parmi les décombres et les explosions en plein ciel. L’ensemble atteint son paroxysme lors d’un duel homérique entre Jedi et Sith qui, non content d’accentuer une symbolique frappante, jouit d’une mise en scène diablement inspirée. Une prouesse qui n’est égalée qu’à l’heure du final, basculement inéluctable.
La série use de sa corrélation avec l’Episode III comme d’une arme redoutable, y piochant allégrement sa tension dramatique et l’émotion sous-jacente. Cependant, Filoni ne se contente d’être porté par le dernier long-métrage de Lucas : sur le modèle des saisons précédentes, il agrémente la saga filmique, la densifie, la sublime. Quinze ans après sa diffusion dans les cinémas du monde entier, l’éclosion de l’Empire suscite de tristes sentiments, renouvelle l’impuissance du public face à l’inévitable. L’angle original complexifie la chute, qui ne s’exprime plus comme un retournement succinct mais comme une tragédie accomplie. Les rapports qu’entretiennent les protagonistes – et l’importance accordée aux soldats clones, ici bourreaux – brise le manichéisme inhérent à Star Wars (lutte sempiternelle du bien et du mal), faisant de tous ces acteurs (à l’exception de l’impitoyable Palpatine) les victimes de cette cruelle machination. Le souvenir d’abondants épisodes, dévoués aux armures blanches et droïdes auxiliaires, prend une teinte amère.
L’articulation s’étend également au visuel, où l’effort photographique se perçoit considérablement, et plus que jamais. Le choix du format cinémascope se maintient, ratio demeurant exceptionnel sur petit écran, au travers duquel les équipes de Dave Filoni insufflent une dynamique effrénée à des images spectaculaires. La moindre chorégraphie est étudiée, échafaudée dans l’optique d’embrasser une fluidité totale, rendue majestueuse par la réalisation appliquée. Naturellement, la direction artistique est vectrice de cadres et éclairages faramineux, que seul l’univers exotique et noble de Star Wars peut générer. Gargantuesque, sans défier la cohérence et côtoyer l’absurde, l’action additionne les arguments favorables – de quoi faire pâlir le dernier opus filmique –, garnie des rythmiques musicales de Kevin Kiner, loin de se limiter au travail de l’éminent John Williams. La prouesse technique n’a d’égale que l’amertume des adieux, tapissés de cendres et remords.
L’ultime saison fut motivée par une idée : contenter les aficionados de la série, les déçus (à juste titre) de l’annulation. The Clone Wars transpire l’intention de tous ses pores, dépassant son statut conclusif pour incarner l’hommage, et ressusciter les vibrations déchirantes de la prélogie Star Wars. Une réussite à bien des égards, preuve authentique que Lucasfilm n’est guère à l’agonie. Producteur (et réalisateur) de l’autre événement télévisuel, intitulé The Mandalorian, Dave Filoni prolongera l’expérience à l’automne prochain, date qui intégrera son personnage chéri aux frasques du chasseur de primes. Rien ne sert de pleurer Ahsoka Tano, donc. De futures péripéties l’attendent déjà.