The Clone Wars (Saison 7), Star Wars recouvre sa grandeur [Critique]

Son annulation soudaine fut l’une des premières conséquences du rachat de Lucasfilm par Disney. Après avoir développé cinq saisons autour de la guerre des clones, Dave Filoni et ses équipes durent péniblement fermer boutique et lâcher les personnages sacrés de Star Wars. The Clone Wars s’acheva sur une sixième salve d’épisodes écourtée, sans même pouvoir jouir d’une conclusion correcte… jusqu’à l’entrée en jeu de la plateforme Disney+.
Entamée trois ans plus tôt, le conflit opposant la République aux Séparatistes touche à son terme. Tandis que les Jedi mènent les combats aux quatre coins de la galaxie, l’ancienne padawan Ahsoka Tano doit cacher son passé, en espérant que celui-ci ne la rattrape.
Enfin ! Suite à l’émergence de la plateforme de streaming Disney+, Dave Filoni est enfin libre de boucler convenablement toutes ces histoires qu’ils avaient dû abréger – pour ne pas dire bâcler – suite à l’annulation de The Clone Wars en 2013. De retour à bord, le showrunner ne tarde pas à raviver une flamme que l’on croyait éteinte, disparue depuis le dernier film de George Lucas. Ce ne sont pas les épisodes produits par Disney qui feront dire le contraire. Le voilà qui raccroche pour de bon sa série télévisée à La Revanche des Sith et use de la simultanéité des événements pour faire naître une action dantesque, une émotion terrassante, faisant de l’ultime saison de The Clone Wars l’un des plus beaux, cruciaux et pertinents gestes de la saga. Une réussite quasi-totale.
Respectueuse des précédentes, la septième saison se décompose en arcs distincts. De facto, les douze chapitres présentés se divisent en presque autant d’histoires. Des intrigues que l’on pourrait considérer dissociées, tant les tons divergent, mais qui découlent d’une logique subtile et fructueuse. Les péripéties d’une brigade de clones infatigable, une affaire familiale orageuse dans les bas fonds de Coruscant et l’absolue désillusion de l’Ordre Jedi : voilà les sujets qu’exploite Filoni, attaché à l’idée de raccorder ses scénarios à celui de l’Episode III, cette tragédie grecque tissée dans l’espace d’une galaxie lointaine. Si les heures originelles de The Clone Wars comptaient leurs éclaircies et légèretés, qui rendaient parfois l’essai bancal – faire naître la comédie dans un contexte aussi obscur peut s’avérer périlleux –, le programme délaisse ici ses écarts comiques au profit d’un drame progressif et cruel.
Le périple de l’escouade Bad Batch (des clones à part) et les altercations sororales des Martez, qui forment les huit premiers épisodes, sont radicalement moins poignants que les suivants, plus portés sur le divertissement que sur l’agonie latente de l’espoir, mais ces rebondissements dessinent un tremplin thématique nécessaire. En plaçant les soldats éponymes aux prémices de la saison, The Clone Wars rétablit le statut primordiale de l’armée républicaine (elle qui cause l’avènement et la chute, la victoire et la défaite) et remet à jour son postulat le plus osé : ces individus dupliqués en millions d’exemplaires ont une âme. Quant à Rafa et Trace Martez, dont les désaccords occupent une partie disproportionnée du scénario, leur position étale la vision du peuple, pour mieux décrire l’aura corrompue des chevaliers Jedi. Ces premiers chapitres ont le mérite de reconstituer l’échiquier, avant qu’il ne vole en éclats.

Promesse tenue : la série colle à La Revanche des Sith, couvrant ses événements d’un point de vue inédit. Qui de mieux placé que l’apprentie Ahsoka Tano, la mascotte du show, pour retranscrire le carnage de l’Ordre 66 ? Avant cet épouvantable renversement, le programme s’intéresse au siège de Mandalore, fabuleuse bataille visant à déloger l’increvable (et désormais culte) Maul. Une éloquente démonstration de force durant laquelle The Clone Wars enchaîne les séquences épiques et démesurées, prouvant par la même occasion ses progrès d’animation. Le spectacle est d’autant plus puissant qu’il fait naître une certaine poésie au cœur du chaos, un chant parmi les décombres et les explosions en plein ciel. L’ensemble atteint son paroxysme lors d’un duel homérique entre Jedi et Sith qui, non content d’accentuer une symbolique qui crève l’écran, jouit d’une mise en scène inspirée.
La série use de sa corrélation avec l’Episode III comme d’une arme redoutable, reprenant directement sa tension dramatique et l’émotion sous-jacente. Mais Filoni ne se contente d’être porté par le dernier long-métrage réalisé par George Lucas : sur le modèle des anciennes saisons, il agrémente la saga, la densifie, la sublime. Quinze ans après sa diffusion dans les cinémas du monde entier, l’éclosion de l’Empire n’a rien perdu de son tragique et nourrit, d’un autre angle, l’impuissance du public face à l’inévitable. Le point de vue inédit complexifie la chute de la République, qui ne s’exprime plus comme un retournement succinct mais comme une tragédie accomplie. Les rapports qu’entretiennent les protagonistes et l’importance accordée aux soldats clones, ici bourreaux, fendent le manichéisme inhérent à Star Wars, faisant de tous ces acteurs (à l’exception de l’impitoyable Palpatine) les victimes d’une cruelle machination.
Le choix du format cinémascope est maintenu, ratio demeurant exceptionnel sur petit écran, au travers duquel les équipes de Dave Filoni insufflent une dynamique effrénée à des images spectaculaires. La moindre chorégraphie est étudiée, échafaudée dans l’optique d’embrasser une fluidité totale, rendue majestueuse par la réalisation. Presque naturellement avec cet univers, la direction artistique est vectrice de cadres et éclairages faramineux, que seul l’imaginaire exotique et noble de Star Wars peut générer. Gargantuesque, sans défier la cohérence, l’action additionne les arguments favorables, garnie des rythmiques musicales de Kevin Kiner, qui réinvente les motifs de la saga en s’éloignant du magicien John Williams. La prouesse technique n’a d’égale que l’amertume des adieux, tapissés de cendres et remords.
L’ultime saison fut motivée par une seule idée : contenter les aficionados de la série, les déçus (à juste titre) de l’annulation. The Clone Wars transpire cette intention de tous ses pores, dépassant son statut conclusif pour incarner un hommage poignant, et ressusciter les actions déchirantes de la prélogie. Une réussite à bien des égards, preuve authentique que Lucasfilm n’a rien d’un studio en perdition. Producteur (et réalisateur) de l’autre événement télévisuel labélisé Star Wars, intitulé The Mandalorian, Dave Filoni prolongera l’expérience à l’automne prochain, date qui intégrera Ahsoka Tano, son personnage chéri, aux tribulations du chasseur de primes.