Game of Thrones, S08E05 : « Feu et Sang » [Critique]

Emilia Clarke conseillait vivement, il y a quelques jours, de nous munir de la plus grande télévision qui soit, en vue du cinquième (et avant-dernier) épisode de Game of Thrones. L’interprète de Daenerys Targaryen, au cœur de ce même chapitre, n’aurait pu donner meilleure indication.
La mère des dragons est au plus mal. Endeuillée, elle s’isole et se méfie, même de ses proches conseillers. La perte de Missandei dans l’épisode précédent a conforté son choix de ne plus être clémente. Face à Cersei Lannister, Daenerys Targaryen sera impitoyable. Mais à quel prix ?
Dans la lignée du précédent épisode (et avec la même énergie expéditive), The Bells démontre que le show n’est pas l’immense fresque héroïque que beaucoup désignent. Certes, Game of Thrones s’inspire du Seigneur des anneaux de Tolkien, et compte ses moments héroïques et ses personnages attachants. Mais résumer l’œuvre de George R. R. Martin de la sorte illustrerait une énorme méprise. A Song of Ice and Fire (nom original des romans) est avant tout un gigantesque drame, démontrant les vices et tourments causés par le pouvoir, et la perversion que celui-ci orchestre.
La plus édifiante victime de cette quête du trône, que l’on suit maintenant depuis presque dix ans sur le petit écran, s’est révélée : Daenerys Targaryen, « héroïne » de la série, admirée par la majorité des fans, a fait preuve d’une cruauté sans égale. Son parcours, jalonné d’obstacles et décisions difficiles, l’a conduit à suivre les traces de son père, une route qu’elle s’était jurée d’éviter. La Khaleesi, sur le dos de son arme destructrice, applique la devise de sa maison (« Feu et Sang ») en ravageant la capitale de Westeros.
Voilà un destin qui renvoie à la tragédie profonde qu’a toujours été la série. Appelée par la vengeance et mise à mal depuis son arrivée à Westeros, Daenerys devient exactement ce qu’elle visait à détrôner. Et bien que cela soit une étape surprenante pour ce protagoniste, tout ceci fut amené progressivement au fil des épisodes. Par le passé, combien de fois la mère des dragons a-t-elle brûlé ses opposants sans sourciller ? Sous nos yeux ébahis, une figure admirable se brise. Un sentiment très nettement exprimé par Jon Snow, dont la place au sein de l’épisode est révélatrice.

Alors que l’on s’attendait à une bataille qui ferait appel à la vaillance, c’est un véritable massacre qui se joue. Le faux bâtard de Ned Stark, au premier rang, constate que celle qu’il défend, y compris devant sa famille, est une menace considérable, sans la moindre pitié. Contraint de tuer des soldats qui venaient de se rendre, Snow prouve une nouvelle fois sa noblesse et sa grandeur, refusant que ses hommes prennent part au carnage, une chose qui n’a pas échappé à Ver Gris. Ce dernier, habité par l’idée de venger la seule femme qui lui aura apporté de l’amour, suit aveuglément sa reine, comme le parfait Immaculé qu’il est. Il n’est pas idiot d’imaginer un futur conflit entre l’amant et le fidèle soldat de Daenerys.
The Bells est pour le moins chargé en symbolique, tant dans le rappel d’épisodes passés que dans la finalité de certaines intrigues. Pour Cersei Lannister, tout s’achève comme cela a commencé, dans les bras de son frère, animée d’un amour inespérée. Celle qui aura montré un visage monstrueux durant les derniers épisodes aura regagné son humanité face à la dangerosité de son ennemie. Il est toutefois regrettable d’avoir si peu vu la « Mad Queen » lors de cette huitième saison, d’autant plus quand son actrice offre certainement la meilleure performance de la série.
Semi-déception, la faute à un choix de décor très singulier et regrettable, le Cleganebowl a enfin lieu. La Montagne et le Limier croisent le fer, dans un combat qui convoque le meilleur des deux combattants. L’on pourrait dire l’exacte même chose du duel entre Jaime et Euron, sur une berge isolée. L’affrontement est violent, l’issue est incertaine, mais le cadre manque d’un minimum de grandiose. Et pourtant, du grandiose, le cinquième épisode n’en manque pas. De retour derrière la caméra, Miguel Sapochnik (à qui l’on doit Hardhome ou plus récemment The Long Night, rappelons-le) compose des plans d’une beauté saisissante. Le réalisateur s’en donne à cœur joie au travers de plans-séquence, suivant l’intrépide Arya Stark qui frôle la mort à de nombreuses reprises. Placée intelligemment dans les rues de King’s Landing, la jeune femme offre un point de vue percutant, illustrant au mieux les ravages causés par Drogon. La caméra placée à hauteur d’homme, l’immersion est totale et les actions de Daenerys prennent une dimension quasi-divine. C’est l’enfer qui s’abat sur Terre.
Pour son sixième épisode (qui sera le tout dernier de la série), Game of Thrones risque de jouer la fameuse chanson de glace et de feu, une possible évocation de la confrontation des Targaryen. Nul ne doute que Jon Snow sera dans une position inconfortable, lui qui semble tout désigné pour devenir le détenteur du trône de fer. Perçu comme le seul capable de régner avec justesse, le fils de Rhaegar Targaryen va devoir prendre la décision la plus difficile de son existence.
Pour ne pas manquer les épisodes de l’ultime saison de Game of Thrones (et la série dans son intégralité en replay), rendez-vous sur OCS. Diffusion en simultané avec les US, dans la nuit de dimanche à lundi, 3h du matin.