Pokémon : Détective Pikachu, fan-service et au-delà ! [Critique]

Petites créatures devenues icônes des cours de récréations, les Pokémon s’invitent au cinéma pour la première fois en prises de vue réelle. Ryan Reynolds prête sa voix à un Pikachu parlant qui mène l’enquête dans l’adaptation du jeu vidéo Détective Pikachu.
Après la disparition mystérieuse de Harry Goodman, un détective privé, son fils Tim va tenter de découvrir ce qui s’est passé. Le détective Pikachu, ancien partenaire de Harry, participe alors à l’enquête
Il était logique, en vue du succès démesuré de la franchise, qu’elle finisse par conquérir le grand écran. La première fois remonte à 1998, alors que la série animée cartonnait à la télévision. Vingt ans après, Rob Letterman remet ça en adaptant le spin-off Détective Pikachu. Le risque avec un tel projet était d’être finalement une accumulation de fan-service, à l’instar d’une opération marketing géante visant à rameuter les fans au cinéma. Il est vrai que sous bien des angles, Détective Pikachu (le film) vise à séduire le joueur-spectateur, le transportant dans les situations les plus communes du titre vidéoludique. Mais au fil de son intrigue, le film emprunte une route astucieuse, qui permet d’éviter une simple redite et de détourner les codes fondamentaux de la licence. Chose rendue possible grâce à un double postulat : un personnage principal qui n’aime pas les Pokémon et l’existence de Rhyme City, où dresseurs et créatures vivent en harmonie.
Tim Goodman est un personnage atypique, un garçon qui avait des rêves qu’il a dû abandonner face à des problèmes familiaux. Affecté à la suite d’un traumatisme de jeunesse, le jeune homme est une anomalie, à la fois pour le grand public et ce monde où chacun fantasme son futur compagnon de poche. Via cette base, le scénario contourne le cliché du champion déterminé, que l’on retrouve fréquemment dans les jeux vidéos ou la série animée. La ville de Rhyme City, quant à elle, aide à renouveler la vision que l’on peut se faire de l’univers Pokémon. En interdisant les combats et en prônant une équité parfaite entre les hommes et les animaux fantastiques, le décor évite le parcours habituel des héros allant d’arène en arène pour devenir le meilleur dresseur.
L’autre défi d’envergure était de concevoir un look satisfaisant aux Pokémon, qui pour la première fois de manière officielle s’affichent avec un rendu photoréaliste. Dracaufeu, Carapuce et Psykokwak comptent poils, écailles et plumes détaillés. Sans atteindre la maestria Avatar (peut-on seulement espérer qu’un film s’en montre digne sur le plan technologique ?), les effets spéciaux de ce Détective Pikachu, omniprésents, ne polluent en rien l’image.

Le scénario fait flirter le genre de la comédie avec celui du film noir. Détective Pikachu est avant tout une enquête avec des enjeux sérieux, mais aussi une enquête fréquemment ponctuée d’humour. Cette deuxième tournure provient, comme l’on pouvait s’y attendre, du duo formé par Tim et Pikachu. Entre l’humain défaitiste et le rongeur électrique, les répliques fusent à grande vitesse. La majorité des gags présents, punchlines ou sketchs visuels, se révèlent efficaces, en plus de s’incruster sans encombre dans la grande trame. Le film doit (vraiment) beaucoup à celui qui se cache sous la fourrure de la souris jaune : Ryan Reynolds. L’acteur, dont le succès récent de Deadpool a relancé la carrière, prête sa voix et ses gestes à Pikachu, sans conteste le protagoniste le plus intéressant et développé ici. Sans imposer un ton deadpoolesque à la mascotte de la franchise, Reynolds semble réellement s’amuser. Résultat : nous aussi.
Un grand travail est effectué sur l’environnement et l’ambiance du métrage, l’intention étant de respecter l’ADN de l’univers tout en apportant une touche nécessaire de réalisme. Rhyme City apparaît ainsi comme une ville futuriste, dont les néons rappelleront furtivement les couleurs de Blade Runner. À la photographie, l’on retrouve John Mathieson (Gladiator, Logan) qui parvient à composer des images très agréables, à l’esthétique un poil léchée. Côté musique, l’on sent que Henry Jackman (Kingsman, Captain America : Civil War) tente d’allier les sonorités du jeu vidéo à des compositions orchestrales plus standards. Les deux genres se marient grâce à un bon dosage. Détective Pikachu jouit alors d’une identité proche du cyberpunk, un style qui convient parfaitement au scénario.
Malheureusement, malgré ses bonnes intentions, le blockbuster souffre de défauts communs aux premiers films d’animation tirés du monde Pokemon. L’histoire de Nicole Perlman et Rob Letterman, aussi réalisateur, est d’une simplicité souvent déconcertante, ce qui nuit à la crédibilité de ce qui nous est narré. Une certaine prévisibilité se fait remarquer, le script étant des plus classiques, tout comme le manque d’inventivité dans la mise en scène, qui rend la plupart des scènes d’action fades et dénué d’impact. Ceci dit, il faudrait avoir un cœur de pierre pour ne pas ressentir une once de plaisir devant ce spectacle frais et coloré. Sans être une œuvre tout à fait originale, Pokémon : Détective Pikachu est un long-métrage encourageant, propageant l’envie de voir et revoir ces centaines de petits monstres sur grand écran, et pourquoi pas au cours de récits plus sérieux et complexes. Entre les mains d’un cinéaste plus inspiré, peut-être pourrait-on assister à de grandes choses.