Pokémon : Détective Pikachu, fan-service et au-delà ! [Critique]

Petites créatures devenues icônes, les Pokémon peuplent l’imaginaire de millions de joueurs depuis 1996, date du premier jeu de la licence. Depuis, les « Pocket Monsters » ont vu leur univers adapté sous toutes les formes possibles, du jeu de carte à la série animée, en passant par les innombrables produits dérivés.
Baptisé Détective Pikachu, le long-métrage reprend l’histoire du jeu vidéo du même nom, dans lequel le joueur suit l’histoire de Tim Goodman, à la recherche de son père disparu, et accompagné d’un Pikachu assez particulier. L’enquête mené par le duo nous conduit dans la ville urbaine de Rhyme City, où Pokémon et humains vivent en harmonie. L’occasion pour le spectateur de replonger dans un monde qu’il connaît par cœur.
Il était logique, en vue du succès démesuré de la franchise, qu’elle finisse par conquérir le grand écran. Jusqu’à aujourd’hui, les histoires contées dans les salles obscures étaient dérivées du dessin animé, suivant les aventures de Sacha Ketchum et de son célèbre Pikachu. Plus longs qu’un simple épisode, les films manquaient d’audace et s’oubliaient, même si l’on y retrouvait les messages phares de la série. Et puis, courant 2016 et à la surprise générale, il est annoncé qu’un nouveau film verra le jour, cette fois-ci en prises de vues réelles. Pokémon, jusqu’ici toujours présenté dans un design 2D, allait se dévoiler sous un aspect inédit. Et pour être franc, l’appréhension se faisait ressentir.
Le risque avec un tel projet était d’être finalement confronté à une accumulation de fan-service, à l’instar d’une opération marketing géante visant à rameuter les fans au cinéma. Il est vrai que sous bien des angles, Détective Pikachu vise à séduire le spectateur, le transportant dans les situations les plus communes du jeu vidéo. Mais au fil de son intrigue, le film emprunte une route astucieuse, qui permet d’éviter une simple redite et de détourner les codes fondamentaux de la licence. Cela est rendu possible grâce à deux paramètres : le fait que le personnage principal n’aime pas les Pokémon, et le concept-même de Rhyme City.
Tim Goodman est un personnage atypique, un garçon qui avait des rêves qu’il a dû abandonner face à des problèmes familiaux. Affecté à la suite d’un traumatisme de jeunesse, le jeune homme devient une anomalie, refusant d’être un dresseur. Via ce postulat de base, le scénario contourne le cliché du champion déterminé, que l’on retrouve fréquemment dans les jeux vidéos ou la série animée.
La ville de Rhyme City aide également à renouveler la vision que l’on peut se faire de l’univers Pokémon. En interdisant les combats et en prônant une équité parfaite entre les hommes et les créatures, le décor évite le parcours habituel des héros, allant d’arène en arène pour devenir le meilleur dresseur.
L’un des défis majeurs était de parvenir à donner un look satisfaisant et crédible aux Pokémons, qui pour la première fois de façon officielle, allait disposer d’un rendu réaliste. Les images de synthèses perturbent de prime abord, le temps que l’on s’habitue à découvrir Carapuce, Dracaufeu ou Psykokwak avec des poils, écailles et plumes détaillés. Sans atteindre une finalité extraordinaire, les effets spéciaux sont loin de polluer l’image, bien qu’étant omniprésents.

Le scénario fait flirter le genre de la comédie avec celui du film noir. Détective Pikachu est avant tout une enquête avec des enjeux sérieux, mais néanmoins une enquête fréquemment ponctuée d’humour. Cette variable provient, comme l’on pouvait s’y attendre, du duo formé par Tim et Pikachu. Entre l’humain défaitiste et le rongeur énergique, les répliques fusent à grande vitesse. La majorité des gags présents, punchlines ou sketchs visuels, se révèlent efficaces, en plus de s’incruster sans encombre dans la trame globale. Le film doit beaucoup (vraiment beaucoup) à celui qui se cache sous la fourrure jaune de la souris électrique : Ryan Reynolds. L’acteur, dont le succès récent de Deadpool a relancé la carrière, prête sa voix et ses mouvements à Pikachu, sans conteste le protagoniste le plus intéressant et creusé. Sans imposer un ton Deadpoolesque à la mascotte de la franchise, Reynolds semble réellement s’amuser. Et résultat : nous aussi.
Un grand travail est effectué sur l’environnement et l’ambiance du métrage, l’intention étant de respecter l’ADN de l’univers tout en apportant une touche nécessaire de réalisme. Rhyme City apparaît ainsi comme une ville futuriste, dont les néons rappelleront furtivement les couleurs de Blade Runner. À la photographie, l’on retrouve John Mathieson (Gladiator, Logan) qui parvient à composer des images très agréables, à l’esthétique un poil léchée. Côté musique, l’on sent que Henry Jackman (Kingsman, Captain America : Civil War) tente d’allier les sonorités du jeu vidéo à des compositions orchestrales plus standards. Les deux genres se marient naturellement, grâce à un bon dosage. Détective Pikachu jouit alors d’une identité proche du cyberpunk, un style qui convient parfaitement au monde des Pokémon.
Malheureusement, malgré sa bonne volonté évidente, le film souffre de défauts communs aux premiers films d’animation. Le scénario de Nicole Perlman et Rob Letterman, aussi réalisateur, est d’une simplicité souvent déconcertante, ce qui nuit à la crédibilité de l’histoire qui nous est contée. Les personnages doivent rencontrer l’homme le plus célèbre (et probablement riche) sur Terre ? Aucun problème ! Ils pourront s’introduire dans les locaux de la plus grande multinationale qui existe, et approcher leur cible sans le moindre obstacle. De tels raccourcis ont de quoi décontenancer. Une certaine prévisibilité se fait remarquer, le script étant des plus classiques, tout comme le manque d’inventivité dans la mise en scène, qui rend la plupart des scènes d’action fades et sans impact.
Ceci dit, il faudrait avoir un cœur de pierre pour ne pas ressentir une once de plaisir devant ce spectacle frais et coloré. Sans être une œuvre originale ou même marquante, Pokémon : Détective Pikachu est un long-métrage encourageant, propageant l’envie de voir et revoir ces centaines de petits monstres sur grand écran, et pourquoi pas au cours de récits plus sérieux et complexes. Entre les mains d’un cinéaste plus inspiré, peut-être pourraient-on assister à de grandes choses.